Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
LES MENDIANTS DE PARIS

presque toujours dans l’appartement de son maître, il semblait mettre ses soins à éviter la présence de madame de Rocheboise.

Cependant, au milieu des plaisirs et des occupations d’une existence splendide, Herman n’avait pas oublié sa passion pour la jolie bohémienne.

Satisfait dans tous ses désirs, entouré de tout ce qui pouvait lui plaire, il sentait encore en lui un grand vide ; il était distrait, inquiet, et attendait sans cesse quelque chose de nouveau dans sa vie. Son estime profonde, son admiration tendre pour Valentine ne pouvaient remplir cette place. Il avait besoin d’un intérêt de chaque jour, plus vif et plus saisissant, d’un bonheur qui existât pour lui seul, d’une intrigue secrète aux émotions palpitantes, surtout des charmes délicieux, infinis du mystère ; tout ce qui se passait au grand jour lui paraissait défloré.

Mais blasé avec les galanteries ordinaires du monde, il en connaissait par cœur le cours et le dénouement il éprouvait d’avance la lassitude qui leur succède, et ne pouvait y chercher le vif excitant qui manquait à son imagination.

Il avait par instant des accès d’humeur sombre et concentré. Dans ce salon, où il avait vu apparaître la séduisante quêteuse, il restait longtemps absorbé à contempler encore en souvenir sa figure enchanteresse. Dans les promenades, le bruit faible du vent lui paraissait les notes d’une voix délicieuse ; dans les bals, il se peignait soudain la jeune fille à la danse folle, éperdue, enivrée, et tout lui semblait froid et morne.

Mais Herman était dans une position toute particulière ; il savait où résidait l’objet de sa passion et ne pouvait en approcher, parce que l’abord en était trop facile. Un amant tenterait de pénétrer, aux dépens de sa vie, dans l’endroit le plus inaccessible pour conquérir une maîtresse adorée, mais il ne peut songer à aller là chercher dans l’asile tout grand ouvert des rues et des places publiques !…

Rocheboise depuis la soirée de la taverne, n’avait donc pas revu la belle enfant de la bohème parisienne, tout en brûlant chaque jour du désir de la revoir.

Il était dans un des moments de rêverie agitée que cet amour fiévreux et impossible lui inspirait, quand un matin Pasqual entra dans sa chambre.

— Excusez-moi, monsieur, si j’ai tardé à rentrer, dit