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LES MENDIANTS DE PARIS

— Monsieur trouvera de meilleurs modèles chez Mombro.

— Vous connaissez cette maison ?

— Je connais toutes les grandes maisons de fabrique et de commerce de Paris pour y être allé souvent faire des commissions… J’ai observé par goût les produits de chacune d’elles.

— Eh bien ! j’irai moi-même chez Mombro… Je veux que cette garniture de cheminée soit parfaitement bien, dussé-je y mettre un prix exorbitant…

Puis, songeant devant qui il venait de prononcer ces paroles, Herman en eut presque honte. Il parlait de prodiguer de l’argent en folies en présence de cet homme, qui n’avait pas même d’espoir pour le pain du lendemain.

Il reprit avec quelque embarras :

— Vous trouvez peut-être, mon ami, que je mets une ; bien grande importance à des futilités.

— Non, monsieur, tout est relatif. L’industrie est l’âme de notre siècle ; que ce soit un bien ou un mal, l’industrie est chargée maintenant de vivifier le monde. C’est donc entrer dans les décrets de la volonté suprême que de favoriser la branche d’intelligence qu’elle appelle à régner. Les riches ne peuvent s’associer au mouvement des travailleurs que par l’estime qu’ils font de leurs produits et le prix qu’ils y attachent : ainsi les riches sont, pour ainsi dire, saintement forcés au luxe et à la splendeur. Dès lors, vouloir s’y distinguer par le goût et l’élégance est une ambition, tout à fait légitime.

Herman fut charmé de cette solution qui lui convenait si bien, et dont il ne s’était pas rendu compte à lui-même.

Il reprit :

— Je le comprends ainsi, et ne pense pas que la vanité seule nous conduise à étaler des dehors somptueux.

— Quand ce ne serait pas une condition de votre époque, l’amour du beau ou de ce qui semble tel est un sentiment naturel et répandu dans tous les êtres. Chacun se donne autant de luxe qu’il lui est possible dans sa sphère ; chacun envie et veut attirer à soi ce qui flatte les regards et l’imagination. Les paysans étalent sur leurs meubles rustiques les pommes d’or et les petites figures de couleurs chatoyantes ; le plus pauvre enfant pare sa tête et son cou des fruits rouges des buissons. Pourquoi cet