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LES MENDIANTS DE PARIS

ligente, et son œil bleu et limpide paraissait tellement expert et observateur en embrassant l’ensemble de l’ouvrage, que Herman ne put s’empêcher de lui demander comment il trouvait cette garniture de cheminée.

— Très-riche, dit Pasqual, mais peu satisfaisante d’ailleurs.

— Comment ?

— Le Temps, sous la forme d’un vieillard armé, de sa faux, répondit Pasqual en montrant la figure qui surmontait la pendule, est une allégorie bien usée et qui manque de vérité.

— Vous la trouvez fausse ?

— Sans doute. Le Temps est de tout âge ; mais comme celui qui commence à naître nous occupe plus que celui qui s’en va, le Temps est plutôt un enfant. C’est lui alors qui doit porter la faux, et non le Temps vieilli et passé de notre vie, qui n’a plus rien à moissonner.

— C’est possible… le sujet est commun, mais l’exécution ?

— Les figures, surtout celles des génies qui soutiennent les flambeaux, sont d’un dessin correct, mais trop fortement accusé.

— Je ne pense pas… le modèle en est bien dans la nature.

— Au jour ; mais à la lumière, qui fait saillir plus vivement les lignes et durcit les ombres, elles seront trop fortement accentuées. De même que ces ornements de dorures, qui semblent distribués dans de justes proportions, domineront trop à la lumière, où ils absorberont plus de clarté que les autres parties et tueront le bronze, qu’ils devraient seulement rehausser.

— En vérité, Pasqual, vous m’étonnez.

— Si monsieur voulait voir ces objets à la lumière, il en jugerait mieux que moi… Et l’essai serait facile.

— Vous avez raison… Nous allons allumer.

Pasqual, au même instant, plaça la garniture sur la cheminée, alluma les flambeaux et ferma les persiennes.

Rocheboise s’amusa de cet essai comme tous les oisifs qui ont beaucoup d’intérêt à prodiguer aux petites choses, et il put se convaincre de la vérité des observations de Pasqual.

— Je changerai cette garniture, prononça-t-il après un instant de réflexion profonde.