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LES MENDIANTS DE PARIS

homme sortant on ne sait d’où s’élance sur les assaillants avec tant de violence que le choc de son corps les sépare d’Herman. Il se trouve placé devant celui-ci et en face de ses adversaires.

— Arrière ! s’écrie-t-il, misérables voleurs ! arrière !

En même temps il lutte contre eux avec autant de vigueur que de courage.

En ce moment, une lumière se fait apercevoir au plus profond de l’avenue.

Herman la distingue, mais le secours qu’il peut en attendre est encore éloigné et sa situation est affreuse.

Il voit son généreux défenseur combattre contre deux adversaires, et il ne peut le seconder ! Dans la nuit profonde, les corps de ces trois hommes sont si pressés, si étroitement unis, qu’ils forment une seule masse noire, et que Herman, en prêtant la force de son bras à son défenseur, pourrait le frapper lui-même.

Mais il ne songe pas une minute à profiter de sa liberté pour se mettre à l’abri ; il veut rester du moins près de ce brave inconnu qui combat pour lui.

Il y a un instant de lutte violente, terrible dans l’ombre, qui se révèle seulement par des mouvements impétueux, des soufflés oppressés, des imprécations sourdes.

Cependant la lumière qui a filé rapidement sur la route arrive devant les combattants. Sa clarté donne en plein sur le lieu de la scène. En ce moment, le défenseur d’Herman tombe frappé d’un coup de couteau dans la poitrine, tandis que ses adversaires prennent la fuite.

Herman voit le blessé pâlir et porter la main à son bras droit, qu’a aussi traversé le fer. Il se penche avec anxiété vers lui, et reconnaît en cet homme un des hôtes de la taverne, dont il a remarqué l’aspect gravé et contenu au milieu de l’ivresse générale, et qu’il a entendu nommer par ses compagnons Pasqual.

La lumière qui s’est avancée est celle de la calèche de monsieur de Rocheboise ; ses gens ont entendu dans le silence de la nuit l’exclamation poussée en arrivant par le défenseur d’Herman ; ils se sont portés de ce côté et arrivent presque en même temps ; car toute la durée de l’attaque et de la lutte n’a été que de quelques minutes.

Rocheboise a déjà soulevé le blessé dans ses bras et le tient appuyé sur un de ses genoux.

— Mon Dieu ! dit-il, les misérables vous ont blessé !… Deux contre un ! et se servir d’un couteau !…