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LES MENDIANTS DE PARIS

tions extérieures : la régularité, la distinction des traits, les riches proportions, l’élégance de la taille, la noblesse, le charme d’expression qui ne se décrivent pas. Au milieu des jeunes hommes qui formaient son cortége, on eût dit que sa supériorité personnelle, sa beauté admirable, plutôt qu’une circonstance passagère, l’avaient fait choisir pour occuper la place d’honneur devant l’autel paré de sa pompe.

On pouvait pourtant remarquer sur ce visage si accompli une nuance de pâleur et des sillons prématurés, empreintes de soucis, de fatigues et de peines ; mais ce n’étaient que des traces laissées par d’anciennes souffrances ; et l’expression qui régnait alors sur les traits d’Herman de Rocheboise était toute de paix et de douceur.

Un rayon oblique de soleil, en passant dans le voile de Valentine, portait son reflet de blancheur diaphane et pure sur le front du jeune homme ; et il semblait de même que l’heureuse influence de la femme à laquelle il s’unissait répandît sur lui cette empreinte de douce sérénité dont il offrait l’aspect.

Parmi les personnes du cortége, il n’y avait à remarquer que le père du nouveau marié, le vieux comte de Rocheboise.

C’était un ancien noble ruiné, qui, après une existence plusieurs fois bouleversée, voyait avec une satisfaction extrême sa maison relevée par le riche mariage de son fils. Il portait haut, ce jour-là, sa tête grise, ravagée par les années. Assis carrément dans son fauteuil cramoisi, il regardait de tous côtés pour se montrer davantage. En l’absence des sentiments de tendresse et de piété, qui ne l’absorbaient guère, il s’occupait à faire tourner entre ses doigts sa tabatière d’or.

Dans ce moment où il posait pour la foule, sa physionomie était plutôt hautaine que digne ; et s’il se délassait un moment de cette expression composée, ses yeux secs et errants, ses traits épais, aux muscles détendus, n’indiquaient plus qu’une nature vulgaire, avec l’étroitesse de sentiments et la duplicité d’esprit.

La cérémonie terminée, les mariés et les assistants se rangèrent pour la sortie de l’église, qui a quelque chose d’imposant dans ceux dont une seule minute vient de changer la destinée pour la fixer dans une voie éternelle.

Le départ du cortége s’effectua lentement.

C’est le moment propice pour la bande des mendiants