Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
139
LES MENDIANTS DE PARIS

dont chacun formait une petite salle de verdure, garnie de chaises et de tables. Herman pensa que les pauvres vieilles femmes allaient venir se restaurer d’un peu de vin, et qu’il pourrait observer et écouter Jeanne à travers le feuillage, sans être aperçu d’elle.

Mais personne ne parut au jardin. Une porte était devant les pas d’Herman, il la prit au hasard, et se trouva dans une grande salle qui, à son étonnement, se montra également déserte. Il se voyait trompé dans son espérance et allait renoncer à son entreprise, lorsqu’un garçon de l’établissement se trouva devant lui, demandant ce qu’il fallait servir à monsieur.

En même temps, des pas se faisaient entendre vers la porte d’entrée.

Herman, pris dans ce piège et forcé de se faire servir quelque chose pour motiver son entrée dans la maison, se jeta dans un des cabinets particuliers pratiqués autour de la grande salle, et dès que le garçon eut déposé sur sa table la bouteille demandée, il se hâta de refermer sur lui la porte vitrée.

Les mendiantes, retardées dans leur marche par l’arrivée de quelques compagnons, entraient alors. Herman regarda vivement de leur côté. Le petit groupe s’était recruté de plusieurs individus de la classe indigente ; mais, hélas ! la pauvre Jeanne n’y était plus !…

Dans son désappointement, M. de Rocheboise resta encore un instant fixé à sa place par l’étonnement que lui causait l’aspect du cabaret.

C’étaient de pauvres vagabonds des rues qui entraient ; mais leur physionomie, secouant toute expression dolente et lamentable, avait plutôt quelque chose de réjoui et de triomphant. Dans la salle, que Herman n’avait pas regardée en passant, une immense table était dressée ; tout autour, sur des buffets, s’amoncelaient de la vaisselle, des plats montés, et, venant de plus loin, un cliquetis de verres, d’assiettes, surtout une forte odeur de cuisine, annonçaient les apprêts d’un festin pour Une nombreuse assemblée.

Herman tâchait de s’expliquer ces singularités en regardant et en écoutant, par la porte entr’ouverte du cabinet où il s’était réfugié, les personnages qui venaient d’entrer.

C’était d’abord le père Corbillard, donnant le bras à mademoiselle Rose. Le vieux perclus, pour faire l’élégant