Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
LES MENDIANTS DE PARIS

Un instant après, les mariés étaient entrés dans l’église ; la nombreuse et brillante assistance avait pris place sur les sièges rangés dans le chœur, et la cérémonie commençait.

Le recueillement régnait dans toutes les parties de l’édifice sacré. Le silence d’alentour faisait ressortir la voix lente et grave du prêtre, prononçant les paroles sacramentelles dans la langue antique que l’on comprend avec l’âme et dont l’impression est si puissante.

Les mariés étaient agenouillés au milieu du sanctuaire, entre les deux cierges bénits dont les flammes représentent les deux existences qui vont devenir semblables.

Ces nouveaux époux attiraient et fixaient les regards, non par la curiosité vulgaire qu’excite toute personne parée du bouquet de noce, mais par un intérêt qui se faisait sentir autour d’eux sans qu’on pût le définir. Quelque chose révélait que des événements importants de la vie morale avaient passé entre eux, qu’un ordre élevé de sentiments présidait à leur union. Leur émotion à l’un et à l’autre était vive et profonde, et se communiquait à tous les assistants.

Valentine, veuve de Neuville, qui épousait en ce moment M. Herman de Rocheboise, n’était pas régulièrement belle. Grande et svelte, brune et pâle, rien ne frappait en elle au premier regard ; elle tenait ses yeux baissés sur son livre, et nul éclat ne jaillissait de son visage. Son front élevé, ses sourcils épais, ses traits bien accentués révélaient la force et la fermeté de son caractère ; en même temps, l’ensemble de sa physionomie exhalait une douceur et une pureté d’âme extrêmes. On sentait que si elle apportait l’énergie de volonté, ce serait à de saints devoirs ; que si elle déployait la constance et le courage, ce serait pour les plus nobles entreprises du cœur.

Sa stature mince, frêle et un peu penchée, était pleine de grâce : dans sa taille, ainsi que sur ses traits, le charme n’était pas dans la forme, mais dans l’expression. Au milieu de la splendeur qui l’entourait et de l’éclat de sa fortune, elle n’avait de parure que la longue et précieuse dentelle de son voile, sans fleurs ni pierreries. Elle semblait n’avoir attaché de prix, parmi tous les ornements de la richesse, qu’à l’objet symbolique qui appartenait à la cérémonie de ce jour.

Herman de Rocheboise, à qui elle donnait sa main, réunissait tout ce que la nature peut prodiguer de séduc-