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LES MENDIANTS DE PARIS

— Bonjour, monsieur Friquet, bonjour… lui disait-on.

— Tiens ! il ne nous répond rien ! parce qu’il a des habits chicandards, et qu’il va demander chez les particuliers, au lieu de tendre la demi-aune dans la rue. C’est ça… il vient à l’église pour examiner un peu les richards, saisir leur physique et s’informer de leur domicile.

— Avec ça, il n’en manquera pas de richards à cette noce.

— C’est donc du cossu ? demanda une pauvresse en saisissant ce propos.

— Tout ce qu’il y a dans le grand, répondit une autre voix.

Et les caquets au sujet du mariage qui allait avoir lieu circulèrent dans toute la bande.

Dans le grand… entendons-nous, dit une voix nasillarde, c’est-à-dire du côté de la femme, qui est riche et cousue d’or !

— Tu connais cela, toi, la Bibette ?

— Bien sûr… c’est une dame très-aumônieuse… Je vas tous les premiers de mois chez elle recevoir la paie, et j’ai entendu dire aux domestiques de quoi il retourne… La dame a du bon bien du côté d’un premier mari ; mais celui qu’elle prend n’a ni sou ni maille… vu que son père est un mange-tout… chez qui on a vendu la maison l’année passée.

Débine complète, ça se voit !

— La noce !… la noce !… cette voiture là-bas !… au fond de la place !…

— Eh ! non, butor… c’est un sapin.

— Ah çà ! dit madame Jacquart en revenant à la charge, pourquoi donc est-ce que la riche veuve épouse ce va-nu-pieds ?

— Elle en tient pour lui… oh ! mais là.. ; le cœur tout à fait pris !

— Et lui, est-il bien amoureux ?

— Est-ce qu’on sait !… Ces pauvres femmes, ça aime toujours… à la grâce de Dieu !

— Oh ! les voitures !… les voitures cette fois…

— Faut regarder le père Corbeau pour savoir… Oui, le voilà à son poste à côté du bénitier… c’est bien la noce qui arrive.

— Les voilà qui aboulent par ici… Y en a-t-il de ces carrosses dorés sur toutes les coutures, et qui portent la croix d’honneur !