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LES MENDIANTS DE PARIS

Cette dernière pièce était très-vaste. Elle avait à droite une profonde alcôve ; à gauche, deux grandes croisées ouvertes ; en face de l’entrée, à gauche de la cheminée, une porte de communication donnant dans le salon.

En ce moment, la lune, dans toute sa limpidité, qui frappait en plein dans l’étendue de la chambre, l’éclairait comme aurait pu le faire la lumière de la journée, mais d’une journée pâle et mélancolique.

Ce fut là que, dans cette nuit fatale, le nègre transporta Marie.

Le noir, dans l’impudence qui se mêlait à la méchanceté, avait imaginé, lorsqu’on lui livrait cette jeune fille, de passer la nuit avec elle dans la chambre d’honneur.

Il entra en tenant dans ses bras Marie, qui jetait de longs gémissements, le repoussait de ses deux bras raidis contre sa poitrine, et, palpitante, se tordait sous son étreinte avec des mouvements convulsifs, des cris d’épouvante, des sanglots déchirants.

Le noir la déposa sur le lit de l’alcôve, éclairée dans sa profondeur par les rayons de la lune.

Il se retira un peu en arrière pour la regarder… La beauté de cette angélique créature fit naître sur ses lèvres un rire cynique et cruel… Il voulait arriver lentement à l’assouvissement de son désir sauvage… son œil s’allumait… Un fluide âcre et chaud découlait de ses pores… Il étendait sur la victime ses bras longs et avides… Enfin il baissa un peu sa tête hideuse vers elle et lui donna un baiser.

Marie, haletante sous l’influence mortelle qui l’enveloppait, à l’approche de cette figure si noire au milieu de la clarté blanche de l’espace, frémit d’un effroi dont rien ne peut rendre l’excès. Quand le souffle du nègre tomba sur ses lèvres, elle poussa un cri qui semblait emporter le dernier reste de son existence et s’évanouit.

À ce gémissement, qui devait aller au fond de l’âme, la porte communiquant au salon s’ouvrit, et, dans le cintre du chambranle, apparurent en groupe les figures encore troublées, avinées, d’Herman de Rocheboise et de ses amis.

En même temps, par la porte d’entrée ouverte d’un seul coup, un homme fond dans cette chambre.

C’est Pierre Augeville. Ses poings sont brandis en avant ; ses membres ont une tension qui en double la force