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LES MENDIANTS DE PARIS

venu avec nous, dans l’humeur massacrante qui le possédait, il aurait tué tous les moineaux de l’endroit.

— Non… plutôt tous les ramiers, en souvenir du Pigeon-Blanc.

— Je n’en veux pas aux moineaux, je n’ai rien contre les ramiers, dit Herman, que les vapeurs du vin rendaient plus communicatif, mais il est un autre animal que je tuerais de bon cœur.

— Lequel !

— Pierre Augeville.

— Le jardinier… ou, comme on dit dans le village, l’amoureux de Marie.

— Ah ! bien… on comprend maintenant.

— C’est lui, j’en suis sûr, qui a inventé l’infernale machination de ce matin.

— Possible !

Herman buvait un grand verre de champagne, qui l’étourdissait un peu, et disait entre chaque coup :

— Il est méchant et sournois, à ce qu’on dit… Cette petite pécore de Marie n’a eu qu’à lui rapporter les prétentions que je semblais avoir sur elle… Il aura voulu se venger… mais, mille morts, il le paiera cher !

— Comment l’entends-tu ?

— Parbleu, ce n’est pas difficile ! il le paiera de la vie.

— Par quel moyen ?

— Je viendrai bien à bout de découvrir ce malotru… Le village n’est pas si grand…

— Et alors ?

— Alors j’ai à choisir de lui brûler le crâne avec mon fusil, de lui rompre les os sous le bâton ou de le lancer au fond de la rivière.

— Mon cher, le champagne te monte à la tête… prends un peu de cognac pour te calmer.

Sur cet avis, indiquant déjà suffisamment que les vins de dessert avaient fait leur effet, on passa aux liqueurs fortes, qui poussent plus rapidement sur la pente de l’ivresse.

— Parlons raison, maintenant, dit Hector le regard vacillant et le geste mal assuré. Tu sais, Herman, mon ami, qu’il n’est permis de tuer personne ; Dieu et la justice humaine s’y opposent… Dieu, on n’en est pas bien sûr… mais la justice, c’est autre chose. Nulle mort violente ne doit arriver si ce n’est de son fait. La condamnation capitale lui appartient. Sous aucun prétexte, elle ne veut