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LES MENDIANTS DE PARIS

ner un collier de verroterie autour de son cou rouge et tanné.

En ce moment, les enfants du village arrivèrent en grand nombre dans le chemin qui passait sous le cabaret et conduisait à l’école du village.

— Ohé ! l’idiote !… l’idiote ! crièrent-ils tous ensemble.

Ils se mirent à ramasser des petits cailloux.

— Tu as encore du vin au visage, mignonne, voilà pour te débarbouiller !

Et une pierre part.

— Tiens ! voilà un bijou pour orner ton fichu !

— Tiens ! voilà pour mettre dans ta pochette, mon cœur !

— Tiens ! voilà pour te redresser les jambes !

— Hu ! hu ! l’idiote, hu ! crient en cœur les joyeux gamins.

Et les pierres tombent comme la grêle.

La pauvre fille jette des cris perçants, les mauvais petits garçons glapissent de plus belle, les beaux chasseurs laissent partir des éclats de rires bruyants, la meute des chiens, sans trop savoir pourquoi, se met à aboyer de toutes ses forces.

C’est au milieu de cette infernal tapage qu’Herman de Rocheboise sort de la maison. Au premier pas, il s’arrête étourdi, stupéfait, et les sourcils froncés.

Alors les petits paysans abandonnent l’idiote et tournent vers lui leurs huées.

— Bonjour, monsieur !… Il vous faut des idiotes… rien que ça !

— Parlez, on vous en servira.

— Demande donc son adresse au Parisien… on va lui porter à domicile.

— C’est pour vot’dimanche, oui-da !

— V’là le plaisir ! messieurs, v’la le plaisir !

Et ils agitaient leurs doigts en trompette au bout de leur nez.

C’était pitié de voir ce beau et élégant jeune homme, pâle et immobile, en proie à cette ignoble risée.

L’idiote s’était éclipsée, et les petits garçons, sur le geste d’un des chasseurs qui avait braqué contre eux son fusil, s’étaient enfuis à toutes jambes : avant que Herman fût revenu de sa stupeur.

Il n’avait été que quelques minutes enfermé avec l’idiote, dans une chambre très-obscure, et croyait fermement en sortant avoir tenu ses propos d’amour à la belle Marie.