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Un curieux, amateur d’autographes, ayant demandé à Corot, vieux et déjà illustre, quelques lignes de sa main racontant sa vie, voici le billet que M. de Beauchesne[1], ce collectionneur, reçut de lui :

Paris, 5 février 1871.

« Monsieur, d’après votre désir, je vous remets quelque note biographique (sic). J’ai été au collège de Rouen jusqu’à dix-huit ans. De là, j’ai passé huit ans dans le commerce. Ne pouvant plus y tenir, je me suis fait peintre de paysages ; élève de Michalon d’abord. L’ayant perdu, je suis entré dans l’atelier de Victor Bertin. Après, je me suis lancé tout seul, sur la nature, et voilà[2] ».

Le laconisme de cette petite lettre est bien éloquent. La plume de Corot a fait là d’après lui-même un admirable croquis, sommaire d’apparence seulement, analogue à ceux dont son crayon avait le secret. Cette note brève et alerte dit tout Corot. On songe, en la lisant, à certaine déclaration qui échappa à la franchise du maître un jour qu’il avait eu la complaisance de poser devant un confrère. « Voyez-vous, dit-il à Bénédict Masson en regardant sa toile, vous avez beau faire : je suis le seul qui me connaisse assez bien pour me peindre ressemblant. »

Ce verdict sévère donne à réfléchir quand on essaie de fixer sa silhouette après l’esquisse qu’il en a tracée lui-même. Mais l’entreprise devient moins téméraire avec Corot en personne pour collaborateur.

  1. Secrétaire de l’Administration du Conservatoire.
  2. Vente B. Fillon (juillet 1879) n°1919. — Vente Bovet (1885) n°1548.