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« Vous serez bien aimable de donner à mon ami Alfred Robaut toutes facilités pour dessiner le ou les tableaux de moi que vous possédez.

« Votre dévoué,
« Mai 1874.
C. Corot ».


Comment éconduire un homme porteur d’un pareil talisman ? — Corot fit davantage. Il livra ses cartons de dessins à M. Robaut et lui laissa prendre les plus beaux pour en faire exécuter des fac-similé. C’est encore à Arras que la chose fut faite. Desavary, aidé de ses élèves, les reproduisit en autographie. La photographie eût été plus rigoureusement exacte ; mais les moyens limités dont on disposait à cette époque ne permettaient pas de l’appliquer à cette publication. Tel qu’il est, le document demeure d’un grand prix.

La passion fureteuse de M. Robaut demanda ensuite leurs secrets à ces humbles confidents que sont les albums et les carnets de poche. Sur leurs feuillets il glana avidement les indications et calqua scrupuleusement les silhouettes. Telle était la dévotion de l’apôtre pour le maître que le moindre chiffon de papier échappé des augustes mains devenait une sainte relique entre les siennes.

M. Robaut comptait parmi les privilégiés à qui l’atelier n’était jam.ais fermé. Sa bonne humeur enjouée plaisait à Corot, qui l’appelait familièrement « son cher la joie ». Cette douce intimité dura jusqu’à la mort du maître. Lorsque la maladie l’eut terrassé, chaque jour ramena au chevet de son lit celui qu’un critique avisé a nommé son Dangeau et qu’on appellerait encore plus justement son Loyal Serviteur. Son attentive sollicitude nota jour par jour l’évanouissement progressif de l’âme bien-aimée. Le 22 février 1875, il était à la porte de la chambre mortuaire, épiant la fatale nouvelle. Quand ce fut fini, quand la dépouille inanimée reposa solitaire sous la garde du brave curé de Coubron, le fidèle pénétra une dernière fois auprès de son idole. Ce fut encore le crayon au bout des doigts, pour tracer d’un trait respectueux et ému la douloureuse image des lieux où, planait la mort parmi le souvenir.

Il suivit fiévreusement les enchères et lutta de toutes ses forces pour retenir le plus grand nombre possible des précieuses dépouilles. Déjà,