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habitait Arras et s’appelait Charles Desavary. Il était, lui aussi, un des gendres de Dutilleux, Corot savait ses chères études en bonnes mains et, tandis que lui-même partait chercher l’inspiration dans quelque campagne radieuse des splendeurs de l’été, il laissa les enfants de son cœur suivre un autre chemin et signa allègrement leur exeat temporaire. Voici le précieux billet destiné à être présenté au père Clément, le Cerbère de la rue Paradis-Poissonnière :

« Voudrez-vous laisser prendre et emballer les études que Monsieur Robaut jugera convenables.

« Ce 9 août 1872.
C. Corot ».

Les peintures qui partirent ainsi étaient au nombre d’environ six cents. Lorsque Corot revint de sa villégiature, il les retrouva toutes à leur place, raccrochées ou rangées par celui au soin respectueux duquel il les avait confiées. La plupart de ces toiles, qui illustraient l’existence de leur auteur et dont celui-ci ne voulait se séparer à aucun prix, demeurèrent dans l’atelier jusqu’à sa mort et figurèrent à sa vente posthume. Quelques-unes ont été, malgré tout, arrachées à l’obstination jalouse du maître. Des unes comme des autres l’image est conservée. Il en est que la fantaisie d’un moment a ramenées sur le chevalet et que des retouches ont modifiées. Pour celles-là la photographie est un document peut-être encore plus intéressant, en ce qu’elle témoigne des phases successives d’une même composition. Un certain nombre de clichés pris en outre par Desavary, pendant les séjours de Corot à Arras, d’après les tableaux qu’il y faisait, sont, à ce point de vue particulier, des plus instructifs.

M. Robaut n’aurait pu souhaiter un meilleur collaborateur que son beau-frère. C’était à la fois un photographe des plus adroits et un peintre de beaucoup de goût. Lui aussi, il adorait Corot et il s’assimila si bien son génie que ses copies d’après ce modèle idéal donnent l’illusion de l’original. Le photographe ne se borna pas aux tableaux ; il rechercha l’homme lui-même. Grâce à son souci avisé de reproduire les traits de l’artiste, ce dernier revit tout entier sous nos yeux. L’opérateur, étant un artiste lui-même, a réussi à conserver à la figure qui posait devant lui le naturel de la vie quotidienne. Ses clichés sont des notes intimes du plus