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Constant Dutilleux
(vers 1860).
nature. Lorsque la mort frappa brusquement l’humble émule du grand poète, le 14 octobre 1865, il était en route pour Fontainebleau, et son compagnon l’attendait à Paris pour y partir avec lui.

Dutilleux mort, Corot continua d’être aimé et vénéré dans sa famille. Depuis 1853, Mlle Elisa Dutilleux était mariée à un de ses cousins de Douai, M. Alfred Robaut. Fils d’un homme qui était lui-même un dessinateur émérite, celui-ci était né au milieu des presses lithographiques et, de bonne heure, avait fait sous l’œil paternel ses preuves dans l’art de crayonner sur la pierre. Ce travailleur sans prétentions personnelles avait un cœur enthousiaste, grand ouvert pour l’admiration des belles choses, une âme d’apôtre. Les dieux de Dutilleux furent ses dieux. Du jour où ses lèvres eurent appris à prononcer ces deux noms sacrés de Delacroix et de Corot, sa vie s’illumina de leur rayonnement. Du fond de sa province, où son labeur demeurait attaché à l’industrie créée par son père, il suivit longtemps sans l’approcher l’éclat de leur génie lointain. Delacroix mourut sans qu’il l’eût aperçu plus de deux fois. Corot lui-même avait beau venir souvent à Arras, les affaires retenaient le lithographe à Douai. C’était en courant qu’il s’échappait pour voir s’épanouir, dans l’atelier de Papa Dutilleux, le bon sourire du grand ami. Le souvenir de cette vision hantait ses rêves. Il le prolongeait en s’entourant, autant que le permettaient ses ressources d’artisan laborieux, du charme joyeux des œuvres du peintre. Mais, quand avec son cher beau-père il eut perdu, du même coup, les visites annuelles de son hôte, il n’y tint plus. Paris, où rayonnait l’astre de sa vie, l’attira à son tour impérieusement. Il céda ses affaires, quitta Douai et vint s’établir à la porte de l’atelier du maître.