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AVANT-PROPOS


Au mois de mai 1847, Corot, que les amateurs n’avaient pas encore gâté tien qu’il eût atteint la cinquantaine, rentrant dans la demeure paternelle de Ville-d’Avray après un voyage d’étude, eut l’agréable surprise de trouver une lettre d’un inconnu, qui avait distingué sa peinture et qui demandait à se rendre acquéreur d’un de ses tableaux. Cet inconnu se nommait Constant Dutilleux. Modeste peintre de province, confiné dans une retraite laborieuse à Arras, où grandissait autour de lui une nombreuse famille, il n’en sortait que pour réchauffer son zèle au foyer parisien, qui crée l’émulation et fait jaillir la renommée. C’est là que germa dans son cœur le culte des deux hommes qui finirent par l’accaparer : Delacroix et Corot. Ces deux grands artistes acceptèrent et lui rendirent l’amitié qu’il leur offrit. Le premier lui laissa un gage suprême de ses sentiments dans son testament, en le mettant au nombre des intimes qui eurent la charge de veiller à l’exécution de ses volontés. Quant à Corot, depuis le jour où sa peinture précéda sa personne dans l’atelier artésien, pendant près de vingt ans, sa vie se mêla à celle de son admirateur. La belle saison le ramenait périodiquement à Arras. Dutilleux, de son côté, attiré vers Paris à partir du jour où il eut fait sa connaissance, était l’hôte assidu de la rue Paradis-Poissonnière. Le maître et le disciple allaient travailler de compagnie d’après