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LA TOUR DE STRIGON

« Au lieu de tout cela, je suis seule et j’attends.
L’appel du vent s’attriste en mes voiles flottants ;
L’ombre aux plis de ma robe éteint mes splendeurs vaines,
Et le monde, et l’amour, tout est si loin de nous,
Quand je m’accoude au bord des soirs calmes et doux,
Le cœur vide et le front couronné de verveines !

« Voilà trop de longs mois qu’aux pays inconnus
Les messagers partis ne sont pas revenus.
Faudra-t-il donc vieillir monotone et jalouse ?
Faudra-t-il donc ainsi traîner au long des jours
L’angoisse et le regret qu’il m’ignore, toujours,
Le fiancé lointain dont ma vie est l’épouse ?

« Jeune encore, je sens en mon âme, déjà,
Descendre un peu de la vieillesse qui neigea
Mystérieuse et lente aux cheveux de mon père.
Mon cœur va se fermer, d’avoir trop attendu… »
Et Blanchefleur, penchant la tête, a répondu,
Sans y croire et les yeux pleins de larmes : « Espère ! »