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BERTHE AUX GRANDS PIEDS

Elle garde la chambre, et ceinte de bandeaux
Salutaires, dans la pénombre des rideaux
Qui tamisent le jour trop cru de la fenêtre,
Elle pense : « Après tout, que peut-elle y connaître ?
Je ressemblais à Berthe, on n’y voit pas très clair
Dans cette chambre ; et puis, il faudrait bien du flair
Pour se douter après dix ans de réussite
Qu’au lit du roi Pépin ma place est illicite. »
Mais voici qu’on entend venir un bruit de pas.
La reine Blanchefleur paraît : « N’approchez pas,
Ô ma mère, soupire Alix d’une voix fausse.
Car je me sens déjà comme un mort dans sa fosse.
Mère, n’approchez pas ! Le médecin défend
Qu’on m’embrasse. » Et Blanchefleur dit : « Ma pauvre enfant !
N’ai-je fait un si long voyage, ma chérie,
Par tous les longs chemins qui viennent de Hongrie
Que pour te voir mourir ? — Mère, n’approchez pas,
Dit la serve. Parlez de loin, et parlez bas.
Votre présence me fait mal et me torture. »
Mais Blanchefleur déjà devine l’imposture.
Sa fille, en la voyant, n’aurait pas tel dédain.
Tout son cœur maternel s’illumine soudain.