Page:Rivaudeau - La doctrine d’Epictète stoïcien.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 64 —


philologue, et nous pouvons dire que ce n’est point l’érudit qui éveilla chez lui le stoïcien, mais bien plutôt les préoccupations morales qui le tournèrent, lui comme tous ceux de son temps, vers Épictète. Le milieu dans lequel il vécut ne fut pas non plus étranger à ces tendances. Il passa quelque temps à la cour de Marguerite de Navarre qui, s’accommodant aussi bien de Calvin que de Briçonnet, ne fut en somme jamais hostile au rationalisme, pas plus au rationalisme protestant qu’au stoïcien. Puis ce fut, à Toulouse, les Jean de Boysonne, Étienne Dolet (1), avec lesquels il se lia d’amitié, et ce dernier, nous le savons, eut quelque peu l’humeur stoïcienne. Enfin, à Lyon, Du Moulin donna son édition du Manuel. Lyon était alors un centre très actif et il arriva que Rabelais s’y trouvait en même temps que lui. L’auteur de Gargantua et Pantagruel faisait alors pour Claude Nourry, grand vulgarisateur d’éditions à bon marché, des almanachs comiques et satiriques des Grandes et inestimables Chroniques, lorsque Du Moulin parut chez Jean de Tournes. Peut-être Rabelais désigne-t-il cette traduction lorsqu’il écrit au livre II, p. 10, de Pantagruel « Je veys Epictète vêtu galamment à la françoyse. » Quelles que soient, d’ailleurs, les influences qui purent s’exercer sur lui, Antoine Du Moulin ne prétend à rien autre chose qu’à faire œuvre de moraliste. Voici, d’ailleurs, comment il s’exprime en présentant la traduction du Manuel « Qui est un livre (Lecteur) non point de ceulx, desquelz tout le Bon est en la beauté de leurs Tiltres, promettans beaucoup plus que la matiere qu’ilz traictent ne satisfaict Mais je te puis bien asseurer (si tu veulx en le lisant diligemment y entendre), tu en emporteras plus de profit, que je ne t’oserois promettre, ny toy pourrois espérer (2). »

La préoccupation du texte passe, en effet, avec Du Moulin, tout à fait à l’arrière-plan. S’il est un trait qu’il cherche à faire ressortir, peu importe que la traduction soit fidèle, il veut avant tout rendre avec plus de force et de clarté ce qu’il croit la pensée

(1) Cf. mon ouvrage La Renaissance du stoïcisme au XVIe siècle.

(2) Cf. Le Manuel d’Épictète. (Lyon 1544, in-16).