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PRÉFACE.


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Les langues, comme toutes les créations humaines, ne demeurent point stationnaires ; la société pour laquelle elles ont été faites leur transmet sa mobilité perpétuelle ; elles dépendent des mœurs, des opinions, des usages. De nouvelles idées réclament des mots nouveaux, des sciences modernes un moderne langage. Les tours eux-mêmes changent, se modifient ; la paix, qui amène le mélange des nations, produit celui des idiomes ; chacun emprunte et donne, prête et reçoit, et ces échanges renouvelés sans cesse passent insensiblement de la conversation dans les feuilles publiques, des journaux dans les livres. La langue s’altère ou se perfectionne, s’enrichit ou s’appauvrit ; mais la critique, dépositaire des traditions primitives, s’arme en vain de tous ses traits contre ces innovations ; elles sont inévitables, parce qu’elles sont l’effet d’une loi constante et d’un principe immuable.

On peut soutenir avec avantage que la langue française a plusieurs fois changé de caractère, depuis que les écrivains du grand siècle l’ont consacrée par leurs chefs-d’œuvre. Ainsi, ce bel idiome qui, sous Louis XIV, paraissait définitivement fixé, a subi de notables altérations sous Louis XV, et, sinon par les mots, du moins par la forme et les procédés, est devenu comme une langue nouvelle sous la plume de Rousseau et des encyclopédistes. La révolution française, qui a tout renouvelè, ne pouvait être sans influence sur la langue ; et recevant ensuite la double et contraire empreinte de l’école de M. de Chateaubriand et de l’école germanique, se mélangeant à la tribune des formes parlementaires de la Grande-