général ; sans lui point de Langue : il est toujours exprimé ou sous-entendu. EST, verbe unique dans toutes les Langues, parce qu’il représente une opération unique de l’esprit ; Verbe simple & primitif, parce que tous les autres ne sont que des déguisements de celui-là. Il se modifie pour se plier aux différents besoins de l’homme, suivant les tems, les personnes & les circonstances. Je suis, c’est-à-dire, moi est : être est une prolongation indéfinie du mot est : j’aime, c’est-à-dire Je suis aimant, &c. Voilà une clef générale avec laquelle on trouve la solution de toutes les difficultés que renferment les Verbes.
Comme le Théâtre donne un grand éclat à une Nation, les Anglais se font ravisés sur leur Shakespéare, & ont voulu, non-seulement l’opposer, mais le mettre encore fort au-dessus de notre Corneille : honteux d’avoir jusqu’ici ignoré leur propre richesse. Cette opinion est d’abord tombée en France, comme une hérésie en plein Concile : mais il s’y est trouvé des esprits chagrins & anglomans, qui ont pris la chose avec enthousiasme. Ils regardent en pitié ceux que Shakespéare ne rend pas complettement heureux, & demandent toujours qu’on les enferme avec ce grand-homme. Partie mal saine de notre Littérature, qui lasse de reposer sa vue sur les belles proportions, ne cherche plus que des monstres. Essayons de rendre à Shakespéare sa véritable place.
On convient d’abord que ses Tragédies ne sont que des Romans dialogués, écrits d’un style obscur & mêlé