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MANUEL DE LA PAROLE

Ah ! s’ils ont pu choisir pour leur libérateur
Spartacus, un esclave, un vil gladiateur ;
S’ils suivent au combat des brigands qui les vengent.
De quelle noble ardeur pensez-vous qu’ils se rangent
Sous les drapeaux d’un roi longtemps victorieux,
Qui voit jusqu’à Cyrus remonter ses aïeux ?
Que dis-je ? En quel état croyez-vous la surprendre ?
Vide de légions qui la puissent défendre,
Tandis que tout s’occupe à me persécuter,
Leurs femmes, leurs enfants pourront-ils m’arrêter ?
Marchons, et dans son sein rejetons cette guerre
Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre ;
Attaquons dans leurs murs ces conquérants si fiers ;
Qu’ils tremblent, à leur tour, pour leurs propres foyers.
Annibal l’a prédit, croyez-en ce grand homme :
Jamais on ne vaincra les Romains que dans Rome.
Noyons-la dans son sang justement répandu ;
Brûlons ce Capitole, où j’étais attendu ;
Détruisons ses honneurs, et faisons disparaître
La honte de cent rois, et la mienne peut-être ;
Et, la flamme à la main, effaçons tous ces noms
Que Rome y consacrait à d’éternels affronts.

Racine.


MAHOMET


Six siècles s’étaient écoulés depuis la prédication de l’Évangile. À ce moment, dans un coin du globe séparé de tout le reste par des solitudes de sable, entre l’Égypte et la Palestine, au sein d’une race qui descendait d’Abraham et qui en avait conservé la glorieuse tradition, à l’ombre du nom le plus gracieux qui ait jamais désigné à l’oreille de l’homme une patrie, dans l’Arabie enfin, un homme naquit. Il venait tard pour fonder une doctrine ; car il venait après le Christ, lorsque déjà tout l’empire romain obéissait à la croix, et que les branches