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MANUEL DE LA PAROLE

s’ennuie et demeure étonné ; Ménalque ne l’est pas moins, et il ne dit pas ce qu’il en pense. Il a affaire à un fâcheux, à un oisif, qui se retirera à la fin ; il l’espère, et il prend patience ; la nuit arrive qu’il est à peine détrompé.

La Bruyère.


LE COR


I

J’aime le son du cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible recueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

Que de fois seul, dans l’ombre, à minuit demeuré,
J’ai souri de l’entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des paladins antiques.

Ô montagnes d’azur ! ô pays adoré !
Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées,

Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le front est de glace et les pieds de gazons !
C’est là qu’il faut s’asseoir, c’est là qu’il faut entendre
Les airs lointains d’un cor mélancolique et tendre.

Souvent un voyageur, lorsque l’air est sans bruit,
De cette voix d’airain fait retentir la nuit ;
À ses chants cadencés autour de lui se mêle
L’harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle ;

Une biche attentive, au lieu de se cacher,
Se suspend immobile au sommet du rocher ;
Et la cascade unit, dans une chute immense,
Son éternelle plainte au chant de la romance.