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MORCEAUX CHOISIS

La femme fit trois pas au milieu de l’arène,
Et prononça ces mots qu’on put saisir à peine :
« Vous serez de bien bons messieurs, si vous avez
La bonté d’accorder un moment… vous savez,
La fatigue… et puis, c’est si jeune ! » L’assistance
Accueillit, tout d’abord cela par le silence.
Mais une voix bientôt s’écria : « Grand merci !
C’est amusant, du froid qu’il fait, d’attendre ici… »
Quand un gros homme, alors, sans bouger de sa place,
À droite, au premier rang, étalant une face
Plate et grasse, de tous résuma les désirs ;
— Depuis lors, il a fait fortune dans les cuirs ; —
Il promena ses yeux louches sur l’assemblée,
Regarda sans pitié la famille troublée,
Et puis il dit : « Parbleu ! l’on n’est pas exigeant ;
Le mieux est de sortir ; mais qu’on rende l’argent,
Voilà tout ! » À ce mot, l’enfant leva la tête,
Fièrement rejeta le produit de la quête
Loin de lui, dégagea ses cheveux de son front,
Et lançant son baiser, bondissant sous l’affront,
Il partit comme un trait sur la corde tendue.
On put le voir, d’en bas, tout seul dans l’étendue,
Et la corde céder sous son poids vacillant ; …
Soudain, son petit pas inégal et tremblant
Chancelle ; … puis il perd l’équilibre, … il tournoie
Dans le vide et, semblable à quelqu’un qui se noie,
Les deux bras en avant, il tombe… Oh ! c’est affreux !
La tempe avait frappé deux fois le sol pierreux
Où le caillou perçait la terre froide et dure ;
Un sang pur s’échappait à flots de la blessure,
Empourprant ses cheveux bouclés. À ce moment,
La mère, au ciel poussa comme un rugissement
De rage ! … — En un clin d’œil, l’enceinte fut déserte.

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Elle était là, debout, tenant le corps inerte
Et souple de son fils, étendu sur ses bras…