Page:Rivard - Manuel de la parole, traité de prononciation, 1901.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
MORCEAUX CHOISIS

s’enfuit. « Monsieur le voleur, fermez donc la porte. Morbleu ! il laisse la porte ouverte !… Quel chien de voleur ! il faut que je me lève par le froid qu’il fait ! Maudit voleur ! » L’abbé saute en pied, va fermer la porte, et revient se mettre à son travail, sans penser peut-être qu’il n’avait pas de quoi payer son dîner.

Champfort.


LE MONT DES OLIVIERS


Alors il était nuit, et Jésus marchait seul,
Vêtu de blanc ainsi qu’un mort dans son linceul ;
Les disciples dormaient au pied de la colline.
Parmi les oliviers qu’un vent sinistre incline,
Jésus marche à grands pas en frissonnant comme eux,
Triste jusqu’à la mort, l’œil sombre et ténébreux,
Le front baissé, croisant les deux bras sur sa robe
Comme un voleur de nuit cachant ce qu’il dérobe :
Connaissant les rochers mieux qu’un sentier uni,
Il s’arrête en un lieu nommé Gethsémani.
Il se courbe, à genoux, le front contre la terre,
Puis regarde le ciel en appelant : « Mon Père ! »
Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas ;
Il se lève étonné, marche encore à grands pas,
Froissant les oliviers qui tremblent. Froide et lente,
Découle de sa tête une sueur sanglante.
Il recule, il descend, il crie avec effroi :
« Ne pouviez-vous veiller et prier avec moi ? »
Mais un sommeil de mort accable les apôtres.
Pierre à la voix du Maître est sourd comme les autres.
Le Fils de l’homme alors remonte lentement.
Comme un pasteur d’Égypte, il cherche au firmament
Si l’ange ne luit pas au fond de quelque étoile.
Mais un nuage en deuil s’étend comme le voile
D’une veuve, et ses plis entourent le désert.
Jésus, se rappelant ce qu’il avait souffert