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MANUEL DE LA PAROLE

du régiment, ses gloires et ses titres flamboyant en lettres d’or sur ses couleurs fanées, qui portent les noms des victoires ; c’est comme la conscience des braves gens qui marchent à la mort sous ses plis ; c’est le devoir dans ce qu’il a de plus sérieux et de plus fier, représenté dans tout ce qu’il a de plus grand : une idée flottant dans un étendard. Aussi bien, étonnez-vous qu’on l’aime, ce drapeau parfois en haillons, et qu’on se fasse, pour lui, trouer la poitrine ou broyer le crâne. Il semble que tous les cœurs du régiment tiennent à sa hampe par des fils invisibles.

Le perdre, c’est la honte éternelle. Autant vaudrait souffleter un à un ces milliers d’hommes, que leur arracher, d’un seul coup, leur drapeau. Non, non, vous ne comprendrez jamais ce que peut souffrir un homme qui sait que son drapeau est demeuré, comme une partie intégrante du pays, aux mains de l’ennemi ! C’est une idée fixe qui dès lors le torture et le déchire : « Le drapeau est là-bas. Ils l’ont pris ; ils le gardent ! » Nuit et jour, il y songe, il en rêve, il en meurt parfois. Qu’est-ce qu’un drapeau ? me direz-vous ; un symbole… Et qu’importe qu’il figure ici ou là-bas, dans une revue ou une apothéose ? Symbole, soit ; mais tant que l’espèce humaine aura besoin de se rattacher à quelque croyance sainte, mâle et vraie, il lui en faudra encore de ces symboles dont la vue seule remue en nous, jusqu’au profond de l’être, tous les généreux sentiments, tout ce qui nous porte vers le dévouement, le sacrifice, l’abnégation et le devoir !

Jules Claretie.


LE HANNETON


C’était le temps des hannetons. Ils m’avaient bien diverti autrefois, mais je commençais à n’y prendre plus de plaisir. Comme on vieillit !

Toutefois, pendant que, seul dans ma chambre, j’y faisais mes devoirs avec un mortel ennui, je ne dédaignais pas la compagnie de quelqu’un de ces animaux. À la vérité, il ne