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MORCEAUX CHOISIS

Le savetier crut voir tout l’argent que la terre
MerveiAvait, depuis plus de cent ans,
MerveiProduit pour l’usage des gens.
Il retourne chez lui ; dans sa cave il enserre
MerveiL’argent et sa joie à la fois.
MerveiPlus de chant : il perdit la voix,
Du moment qu’il gagna ce qui cause nos peines.
MerveiLe sommeil quitta son logis ;
MerveiIl eut pour hôtes les soucis,
MerveiLes soupçons, les alarmes vaines.
Tout le jour il avait l’œil au guet ; et la nuit,
MerveiSi quelque chat faisait du bruit,
Le chat prenait l’argent. À la fin le pauvre homme
S’en courut chez celui qu’il ne réveillait plus :
« Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme
MerveiEt reprenez vos cent écus. »

La Fontaine.


LA PÉNITENCE


On peut satisfaire à l’Église sans subir les peines publiques qu’elle imposait autrefois : on ne peut satisfaire à Dieu sans lui en offrir de particulières qui les égalent et qui en soient une juste compensation. Or, regardez autour de vous. Je ne dis pas que vous jugiez vos frères. Mais examinez les mœurs de tous ceux qui vous environnent. Je ne parle pas même ici de cas pécheurs déclarés qui ont secoué le joug, et qui ne gardent plus de mesure dans le crime. Je ne parle que de ceux qui vous ressemblent, qui sont dans des mœurs communes, et dont la vie n’offre rien de scandaleux ni de criant. Ils sont pécheurs ; ils en conviendraient. Vous n’êtes pas innocent : vous en convenez vous-même. Or, sont-ils pénitents ? Et l’êtes-vous ? L’âge, les emplois, des soins plus sérieux vous ont fait peut-être revenir des emportements d’une première jeunesse ; peut-être même les amertumes que la bonté de