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Sections I, 1909
Mémoires S. R. C.
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IV. — Legendre

Par Adjutor Rivard
(Lu le 26 mai 1909)

« Tout homme qui écrit, écrit un livre, et ce livre, c’est lui. »

Un écrivain peut chercher à feindre : il montre un caractère d’emprunt, il croit paraître tout autre qu’il n’est, il va peut-être jusqu’à se piper lui-même ; peine inutile ! toujours par quelque endroit son style le trahit. Cependant, si le mensonge est habile, plusieurs prendront le change ; car il faut un œil exercé pour percer un masque, et la personnalité de celui qui sait se dissimuler avec art n’est souvent qu’à demie connue. La parole de Victor Hugo n’est donc parfaitement vraie qu’à l’égard de l’écrivain sincère : celui-ci ne tente pas d’abuser par de faux semblants, par des dehors empruntés ; il ne cherche pas à se faire voir seulement de son beau côté, non plus que d’un côté qui pourrait être beau, mais qui ne lui appartiendrait point. Il écrit, et c’est son cœur qu’il découvre, c’est sa tête qu’il verse dans son livre ; et ce livre, c’est lui.

Tel fut Napoléon Legendre : un écrivain sincère. Son livre, son œuvre, c’est lui, tel qu’il fut dans la vie, tel qu’on l’aima, avec ses idées, ses sentiments et ses goûts ; c’est une âme ouverte à qui veut lire, un esprit qui se donne, un cœur qui livre ses secrets. Pas de voiles tendus pour dérober la connaissance intime de l’amour ; pas d’artifices dressés pour déguiser la nature ; pas d’apparences trompeuses, pas de masque. Voulez-vous connaître Legendre ? Lisez : À mes enfants, les Échos de Québec, les Perce-neige, les Mélanges… C’est une œuvre de bonne foi, limpide comme une eau de roche, d’une manière simple, d’un style franc, d’une langue vraie, à travers quoi la personnalité de l’auteur se laisse voir et pénétrer toute.

Une sincérité entière et sans mélange, voilà la qualité dont il faut louer d’abord Napoléon Legendre.

C’est une vertu, chez un écrivain, que l’ouverture de cœur. Sans doute, on peut trouver heureux que certains poètes ne se traduisent pas dans leurs œuvres tels qu’ils sont en réalité : il vaut mieux cacher ce qui n’est pas montrable. Par contre, on aime qu’un écrivain dont l’âme est saine soit sincère.

D’abord, cela assure contre les écarts d’une imagination trop aventureuse. Non pas que la sincérité exclue l’imagination ; mais elle la rend moins hasardeuse, plus prudente, plus sage. Le génie, il est vrai, échappe à toutes les règles ; il a des élans et des vols sublimes, qui paraîtraient ailleurs écarts de caprice et de fantaisie. Mais nous ne parlons pas ici de génie. Legendre fut simplement un écrivain de talent, d’un