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LEGENDRE

pressions patoises. Les mots que Legendre cite lui-même le prouveraient, si des études plus approfondies ne l’avaient depuis lors clairement démontré.

Legendre n’a pas vu la part que les dialectes d’oui ont prise à la formation du franco-canadien. Il était presqu’impossible qu’il le vît. La science de la dialectologie romane était à peine née, à l’époque où Legendre écrivait ; et avec les instruments de travail à sa disposition, et les matériaux qu’il avait pu recueillir, il n’est pas étonnant qu’il ait erré sur quelques points ; c’est merveille plutôt qu’il ne se soit pas trompé davantage.

Il ne reste pas moins que Legendre est un de ceux qui ont le mieux parlé de la langue française au Canada, qui l’ont aimée avec le plus d’ardeur, qui l’ont cultivée avec le plus de goût.


Pour moi, disait-il, je me suis imposé un devoir, je me suis assigné une tâche que je remplirai dans la mesure de mes moyens : c’est de défendre, toujours, partout, contre tous, la langue de mon pays, la langue de ma mère patrie ; c’est de travailler de toutes mes forces à répandre, à faire connaître, à faire aimer, dans toute sa glorieuse beauté, la langue dans laquelle des voix chères m’ont accueilli à mon berceau, la langue qui a chanté les rêves de ma jeunesse, la langue qui me consolera, je l’espère, à mes derniers moments.[1]


À s’acquitter de cette tâche, Legendre dépensa sa meilleure énergie. Et, quand, malade, il eut déposé pour toujours sa plume, il ne laissa pas de s’intéresser encore et vivement à cette cause si chère ; avant de mourir, il vit avec joie que plusieurs marchaient sur ses traces, mais jamais il ne pensa à revendiquer l’honneur d’avoir ouvert la route et de s’y être engagé des premiers.

Et je pense à cette phrase de M. Hanotaux : « Étendre la connaissance du français, c’est faire largesse, aux âmes neuves et frustes, du patrimoine idéal de l’humanité. »


NOTES BIOGRAPHIQUES


Napoléon Legendre, né à Nicolet, le 13 février 1841, fils de François-Félix Legendre et de Marie-Reine Turcotte ; étudie chez les Frères de la Doctrine Chrétienne, à Lévis, puis chez les Jésuites, à Montréal ; est reçu avocat, en 1865 ; épouse, à Québec, en 1867, Mlle Marie-Louise Dupré, de Montréal ; entre dans l’administration, à Québec, en 1876 ; greffier des journaux français du Conseil Législatif ; membre et l’un des fondateurs de la Société Royale du Canada, en 1882 ; docteur ès lettres de l’Université Laval, en 1888 ; décédé à Québec, le 16 décembre 1907.

  1. La Langue fr. au Canada, p. 67.