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CHEZ NOUS

Enfant, il apprit, à la petite école, comment on s’y prend pour former des lettres et pour les reconnaître ensuite ; bref ! il sait lire et écrire. Là s’arrête son savoir. De l’orthographe et de la grammaire, il n’a rien retenu, et toute sa prosodie consiste dans un compte approximatif des syllabes ; il a le sens de la mesure pourtant, et, dans l’oreille, comme le souvenir obsédant de la cadence alexandrine. Car Pierre-Paul n’est pas de ces farceurs qui riment des chansons sur airs connus ; c’est un épris de poésie grande et noble ; il ne connaît guère que les grands vers… Il lui arrive même d’en faire qui sont trops grands, qui dépassent toute mesure.

Nascuntur poetæ… Preuve, la fureur de rimer qui possède Pierre-Paul.

Brave paysan, il laboure, sème, récolte ; il pourrait être heureux. Mais le chant des vers le hante, une rage de parler en mesure le dévore ; c’est un besoin, une obsession,

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