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CHEZ NOS GENS

nais pas ma rivière. Ô déception ! ma rivière si belle d’il y a trente ans, ma rivière large et creuse, c’était un maigre ruisseau, peut-être un fossé de ligne ; l’inaccessible rocher, but de tant d’efforts, témoin de tant de chutes, c’était un simple caillou roulé ; le pont n’avait que trois pieds d’arche ; et le lac, le lac profond, pareil à une mer, c’était sur le sable une mince couche d’eau claire, pas même un étang, presque une mare !

Tout cela, qui me parut un jour si grand, tout cela est petit et étroit.

Combien l’aspect qu’à mon regard prenaient autrefois les choses était plus beau, et meilleur, et plus vrai !

Et mes souvenirs, comme des oiseaux en peine dont un coup de vent a renversé le nid, volent lamentablement au-dessus de l’humble ruisseau, sans savoir où se poser…

Ah ! que n’ai-je encore mes yeux d’enfant !