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Mais un langage qui en serait rempli ne serait pas encore du patois. Le récit d’un incendie, et le dialogue sur la Restauration de Genève, deux morceaux que donne Humbert à la fin de son Glossaire, sont tout farcis de ces expressions locales, et néanmoins ne sont pas écrits en patois comme le Céquélaino ou la Conspiration de Compesiéres. Dans les Gros et menu propos de M. Hornung, on distingue très-bien à cet égard, d’un côté ma tante Marion, Rottembach, et de l’autre les charmants dialogues du curé Pessard et de l’adjoint Perravet.

Qu’est-ce qui caractérise le patois et le sépare de ce parler populaire dont Humbert a fait le glossaire ? Ce sont essentiellement deux points : la phonétique et la conjugaison des verbes. Entre les mots patois et les mots français correspondants, il y a des différences phonétiques qui se classent en séries régulières : les lettres latines se sont transformées sur les bords du Rhône autrement que sur ceux de la Seine ; il y a surtout dans les patois des sons, voyelles et consonnes, qui leur appartiennent en propre, et que l’alphabet français ne peut pas rendre. Tous ceux qui se sont occupés de patois le savent bien, et cela même constitue une des grandes difficultés des études patoises, parce que chaque nouveau travail qui paraît sur ce sujet a son système particulier de transcription des sons originaux.

Ces différences phonétiques, en s’étendant à la conjugaison des verbes, font de celle-ci le critérium le plus sûr et le plus net pour distinguer le patois et le français. Des imparfaits en ave ou en ive n’ont jamais été français, et si nous les rencontrons dans d’anciens textes, nous ne saurions hésiter à y reconnaître le langage que nos paysans parlent encore.

I

Un certain nombre de morceaux de prose et de vers, écrits en patois de Genève, nous ont été conservés ; nous allons les passer en revue par ordre chronologique