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Platoniciens, qu’vne lumiere reſplandiſſante, la ſource de laquelle eſt la face de Dieu. Car la premiere de toutes les Beautez n’eſt qu’vne meſme choſe auec luy : Tellement que ſi les mortels ſe hazardent d’en parler, tout ce qu’ils en diſent, ils le tiennent de ſa grace particuliere, & de ſa profonde ſapience, qui leur en communique l’idée. Mais comme ceux qui ſe regardent dans vn Miroir, n’en ſont pas pluſtoſt eſloignez, qu’ils perdent le ſouuvenir de ce qu’ils ont veu ; Ainſi tant que nous ne conſiderons la Beauté que dans les choſes mortelles, nous ne pouuons pas nous eſleuer hautement à la contemplation de cette pure & ſimple clarté, d’où procedent toutes les autres lumieres. Dant. Part. 2.

Rien ne ſe void en aucun lieu,
Qui ne ſoit formé d’vne Idée,
Qu’engendre l’amour du grand Dieu,
Par qui la Raiſon eſt guidée.

Le Lys fleuriſſant qu’elle meſle parmy ſes rayons, ſignifie vne eſgale correſpondance de lineamens & de couleurs ; ce qui nous eſt encore demonſtré par le Compas & le Globe qu’elle tient de l’autre main. Car la vraye Beauté, de quelque nature qu’elle ſoit, a ſes proportions & ſes meſures, qui s’ajuſtent au temps & au lieu. Comme par exemple, le lieu determine la Beauté en la diſpoſition des Prouinces, des Villes, des Temples, des Places, de l’Homme, & generalement de toutes les choſes qui ſont ſujettes à l’œil, ou qui luy plaiſent en quelque ſorte ; ſoit par la symmetrie des figures, ſoit par la delicateſſe des traits, ſoit par l’agreable meſlange des couleurs, & des ombrages qui les rehauſſent. Le Temps tout de meſme reglant comme il faut les tons, les meſures & les cadences, en forme vne douce harmonie, qui fait que ces choſes & autres ſemblables eſtant bien ajuſtées plaiſent à meruilles, & ſont à bon droit appellées Belles. Dauantage, comme par la ſubtilité de ſon odeur, le Lys chatoüille les ſens, & reſueille les eſprits ; La Beauté demeſme incite les cœurs à aimer les choſes qui tiennent de ſa nature, & qui ſont aimables d’elles-meſmes.