qui eſt le Deſeſpoir. Mais bien qu’en effet quelques Amants ayent voulu recourir à luy, apres n’auoir pû joüir de la choſe aymée ; ſi eſt-ce qu’ils n’ont pas eſté ſi foibles d’eſprit, que de ſe precipiter à la mort toutes les fois qu’ils l’ont inuocquée. C’eſt le reproche que fait Amarillis à ſon Myrtille, lors que l’oyant parler de mourir pour mettre fin à ſes peines, elle luy reſpond,
Bapt. Guar.
C’eſt en vain qu’vn Amant par vne fauſſe enuie,
S’arme contre ſa vie ;
Et qu’en ſa paβion il veut faire ſon port
Des eſcueils de la mort ;
Infidelle qu’il eſt, il dément ſa pensée
D’une bouche inſensée,
Et trahit ſon amour, lors que pour en guerir
Il dit qu’il veut mourir.
Voilà ce qu’il en ſemble au Caualier Guarini, la penſée duquel approche fort de celle-cy du Taſſo dans ſon Aminte,
Le diſcours de la mort eſt celuy d’vn Amant ;
Et toutesfois l’effet s’en enſuit rarement.
Il n’eſt doncques pas beſoin de reduire l’Amour au Deſeſpoir, qui eſt le pire de tous les maux, puis que nous auons demonſtré que le Temps & la Pauureté ſuffiſent pour le dompter, & le mettre à la raiſon, quelque mauuais qu’il puiſſe eſtre.
Amovr vertvevx. VI.
L eſt icy figuré par vn Enfant qui a des aiſles au
dos, & quatre guirlandes de Laurier, l’vne ſur la teſte,
& les trois autres en ſes deux mains. Cela veut
dire, ſi ie ne me trompe, qu’entre tant d’Amours de
nature differente, que les Poëtes ont pris plaiſir à nous dépeindre,
il ne s’en treuuve point de plus excellent, ny de plus illuſtre
que celuy de la Vertu. Auſſi eſt-il vray qu’elle a de merueilleux
charmes, & vn Empire abſolu ſur toutes les choſes du monde.
Les Guirlandes qu’elle porte ſont les vrayes marques de cette
haute preéminence, qui luy eſt legitimement deuë. Et comme
le Laurier qui en eſt la glorieuſe matiere, ne perd iamais ſa
verdure ; Ainſi peut-on aſſeurer, que l’amour de cette Reine
eſt incorruptible & ſans bornes, auſſi bien que la Couronne
de ſa teſte, qui ſignifie l’Eternité par ſa figure Spherique.