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Misere dv monde.


LEs Miſeres humaines ont pour Embleme vne Femme qui a la teſte comme enchaſſée dans vn grand Verre, & qui tient de la main droicte vne Bourſe renuerſée, d’où s’eſpandent peſle-meſle des joyaux, auecque des pieces d’or & d’argent. Le Verre demonſtre la fragilité des choſes du monde ; & que comme pour eſtre diaphane, il ne borne point la veuë de celuy qui le regarde ; ainſi les richeſſes d’icy bas ne font iamais mettre des limites à nos penſées, iuſques à ce que la mort en arreſte le mouuement. Quant à l’or & à l’argent que cette Femme verſe par terre, c’eſt pour monſtrer qu’encore que les Riches ſemblent heureux, ils ne laiſſent pas toutesfois d’eſtre miſerables, puis qu’ils n’emportent pas leurs threſors, & que ceſſans de viure, il faut qu’ils ceſſent auſſi de les poſſeder.


Meditation de la mort.


CE Tableau funeſte repreſente aſſez bien, ce me ſemble, la Meditation de cette derniere fin par vne Femme, veſtuë de dueil, & aſſiſe ſur vn Tombeau, où elle regarde fixement vne Teſte de mort ; & tout alentour d’elle eſt vn Eſcriteau, auec ces mots, O mors qvam amara est memoria tva.

O Mort que de ton nom la memoire eſt amere !

Ce qui ſe verifie aſſez par l’auerſion qu’ont naturellement pour elle les creatures viuantes ; ſi bien que ce n’eſt pas ſans raiſon qu’elle eſt appellée par le Philoſophe la plus formidable de toutes les choſes d’icy bas.


Meditation spiritvelle.


CEtte Figure ſemble parler d’elle-meſme ; & par vne Fille deuote qui ſe tient à genoux ſur vne Croix, ayant les mains jointes, & les yeux tournez au Ciel, elle teſmoigne l’ardeur de ſon zele & de ſa Meditation, en diſant, Sitivit anima mea ad Devm fontem vivvm. Par où elle monſtre que pour s’entretenir dans la vie contemplatiue elle ne peut mieux s’addreſſer qu’à ſon Createur, qui eſt vne ſource inepuiſable de biens & de graces.