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Cette image de la Vie n’eſt pas ſans raiſon couronnée de fueilles, pour monſtrer que ſa vigueur ſe paſſe comme leur verdure, ainſi que le remarque Simonides dans ces vers.

Sous les efforts du temps tous les hommes ſuccombent,
Et leurs iours paſſagers ſont des fueilles qui tombent.

Pour mieux exprimer cette verité, on compare la Vie à bon droit à l’Hemorobion, animal volatile, qui a deux aiſles & quatre pieds, vn peu plus grand qu’vne groſſe mouche, & qui, ſelon Pline, meurt le meſme iour qu’il naiſt.

La Roſe eſt encore vn Hyeroglife de cette meſme fragilité Lib. 15 de nos iours : car, comme dit Ahenée, d’autant plus qu’elle est belle par deſſus les autres fleurs, d’autant plus viſte auſſi ſon eſclat & ſa beauté ſe paſſent.


La vie longve.


ELle eſt repreſentée par vne vieille Femme toute ridée, veſtuë à l’antique, qui de la main gauche tient vne Corneille, & s’appuye de la droite sur vn Cerf qui a le bois extremement long.

Son habillement à l’antique, eſt le Symbole des longues années qu’elle a veuës, & le Cerf en eſt vn autre auſſi. Cét animal Lib. 8. c. 32 eſt de tres-longue vie, comme le remarque Pline, qui dit que ſous l’Empire d’Alexandre le Grand, il en fut pris vn, dont le collier marquoit vn aage extraordinaire, & qu’Agatocles Tyran de Syracuſe, en tua vn autre à la chaſſe, de l’extreme vieilleſſe duquel on eut des conjectures tres-apparentes. Mais ſans en tirer de preuuve de ſi loin, il ſuffit de dire qu’il ſe lit dans l’Hiſtoire, que Charles ſixieſme Roy de France, prit vn Cerf dans la Foreſt de Senlis, ſur le collier duquel eſtoient grauées ces paroles, Hoc Cæſar me donauit, qui ſignifie, Ceſar me l’a donné. Ce qui a fait dire depuis par maniere de prouerbe, Cæſari ſum, noli me tangere, Ie ſuis à Ceſar, ne me touche point.

La vie de la Corneille eſt encore plus longue que celle du Cerf, & voila pourquoy nous l’auons miſe auſſi en la main gauche de cette Figure.