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jectures de l’Aſcendant qu’ont les premieres Qualitez en la compoſition de l’homme, dont elles diſpoſent les accidents exterieurs, & le rendent enclin aux Paſſions, ou à tous ces autres mouuemens qui ont de la conformité auec elles. Ainſi qui voudroit repreſenter la Melancolie, le Repentir et le Soing, feroit fort bien de leur donner un viſage vieil & aride, vne cheuelure negligée, & vne barbe toute craſſeuſe ; Comme au contraire ce ſeroit impertinence de ne peindre pas la Ioye, ou la Volupté, ieune, riante, & de bonne mine : pource qu’encore que telle connoiſſance n’ait point de lieu dans le denombrement des ſemblables, ſi eſt-ce qu’elle eſt aſſez vſitée. Et toutefois, quelque generalle que ſoit cette reigle des accidents & des effets qu’ils produiſent, il ne faut pas s’y tenir touſiours. Car bien qu’il n’y ait celuy qui ne ſçache, que de la proportion des traits, de l’eſclat, du teint, & de ce qu’on appelle, le ie ne ſçay quoi, ſe forme une parfaite Beauté ; il y auroit de la faute neantmoins à la repreſenter par l’Image d’vne perſonne extremément belle & bien proportionnée. La raiſon eſt, à cauſe que ce ſeroit expliquer le meſme par le meſme, & vouloir, par maniere de dire, faire voir diſtinctement le Soleil à la clarté d’vn flambeau : d’où il s’enſuiuroit qu’à faute de reſſemblance, qui eſt l’Ame de la Figure, celle-cy ſe trouueroit imparfaite, & ne pourroit iamais plaire, pour n’auoir pas la diuerſité requiſe à l’agréement : A raiſon dequoy, en la peinture de cette meſme Beauté dont nous parlons, nous luy auons caché le viſage dans les nuës, ſans oublier les autre particularitez, qui nous ont ſemblé luy eſtre conuenables.

Or pour auoir moins de peine à treuuer des reſſemblances & des raports qui ſoient propres au ſujet que l’on imagine, il eſt bon de remarquer auecque les Maiſtres de l’Eloquence, que par les choses connoiſſables on cherche les hautes, par les loüables les ſplendides, & par les recommendables les magnifiques. Que ſi l’eſprit s’accouſtume à ces obſeruations, elles luy fourniront à la fin vne ſi grande quantité de penſées, s’il n’eſt entirement ſterile, qu’il ne luy ſera pas difficile de contenter autruy ſur tous les ſujets qui luy ſeront propoſez pour en former des Images. Ceux qui nous en ont donné des Regles, diſent que l’inuention en eſt deuë aux Egyptiens, & la font paſſer pour vn veritable effet de l’abondance de leur doctrine. Tellement qu’il eſt de cette Connoiſſance, comme d’vne person-