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il dit qu’en matiere d’Oüye cét animal ſurpaſſe les autres, & qu’à raiſon de cela les Egyptiens s’en ſeruent à dépeindre l’Oüye dans leurs Figures Hyeroglifiques.

Les meſmes Egyptiens repreſentoient encore l’Odorat par le Chien, comme en effet il n’eſt point d’animal qui ait meilleur nez que celuy-cy, qui par vn inſtinc naturel ſçait diſcerner les eſtrangers d’auec les domeſtiques, & ſent par où a paſſé la beſte qu’il va relancer iuſques dans ſon fort. Ces trois Sens que nous venons d’expliquer ne ſont pas communs à tous les animaux ; car il eſt certain que les vns naiſſent aueugles & ſans yeux, les autres ſourds & ſans oreilles, les autres ſans narines & ſans odorat, bien que neantmoins on treuuve que les poiſſons qui n’ont ny l’vn ny l’autre, ne laiſſent pas d’oüir & de flairer. Ariſt. l. 3. de an. c. 13. Mais quant aux deux derniers des cinq Sens, Ariſtote dit, que tous les animaux parfaits les poſſedent. L’Homme les ſurpaſſe tous en ce qui eſt du gouſt & de l’attouchement, mais en ce qui regarde les autres Sens, il leur eſt inferieur. Comme en effet il eſt certain que l’Aigle void plus clairement que luy, Pline remarque à ce propos que le Vautour eſt celuy des oyſeaux qui a l’odorat meilleur, que la Taupe, quoy que couuerte de terre, ne laiſſe pas d’oüir fort bien ; Et que l’Huiſtre eſt priuée de tout autre Sens, à la reſerue de l’attouchement : opinion que l’on peut reietter, & dire qu’elle joüit du gouſt en quelque maniere, ſi il eſt vray, comme l’on tient qu’elle ſe repaiſſe de roſée.

Pour ce qui appartient au Gouſt, il eſt à croire qu’il ſe treuue en tous les animaux, puis qu’il n’en eſt point qui ne ſe nouriſſent de viandes & de ſaueurs. Ce qui n’empeſche pas toutefois que Pline n’ait dit, qu’aux derniers confins de l’Inde, vers la Riuiere du Gange, naiſſent ſans bouches certains peuples appellez Aſtons, qui ne mangent & ne boiuent point, mais viuent ſeulement des odeurs qu’ils attirent par les narines. A raiſon de quoy, quand ils ont à faire quelque long voyage, ils portent touſiours en main des racines, des fleurs & des pommes ſauuages, afin qu’ils ayent touſiours dequoy flairer, & par conſequent dequoy ſe nourrir. Mais quoy qu’il en ſoit, tels Monſtres que la Nature produit, ne peuuent gouſter les alimens puis qu’ils ſont ſans bouche. Le pourceau gouſte tout, iuſques à la boüe meſme & aux plus ſales ordures. Mais ces choſes que nous laiſſons à part, puis qu’elles procedent d’vn