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ment de celuy qui les a ſçeu ranger auec vn ordre ſi agreable & ſi iuſte.

Mais ce n’eſt pas aſſez de ſçauoir diſtinctement les qualitez, les raiſons, les proprietez, & les accidens d’vne choſe qui peut eſtre deffinie. Pour en rendre l’Image parfaite, il eſt beſoin encore d’en rechercher dans les choſes materielles la reſſemblance la plus naïſue, qui ſeruira, par maniere de dire, comme d’vne Rethorique muette. Cette reſſemblance conſiſte en l’eſgalle proportion, que peuuent auoir deux choſes de differente nature. Ainſi par la peinture d’vne Coulonne qui ſouſtient ſans s’écrouller la lourde maſſe d’vn edifice, eſt denotée la force d’vn homme de courage, qui ſe roidit contre le mal-heur, & ſe monſtre inesbranlable à ſes plus rudes ſecouſſes ; Comme encore par la figure de l’Eſpée & de l’Eſcu, n’eſt pas mal exprimée l’Eloquence du bon Orateur, qui par ſes arguments inuincibles, n’a pas moins d’adreſſe à ſouſtenir les choſes fauorables, & ruiner les contraires, qu’en a le vaillant ſoldat à ſe deffendre, & bleſſer autruy. A cette derniere ſorte de reſſemblance il en faut adiouter vne autre, qui eſt, lors que deux choſes diuerſes conuiennent en vne ſeule qui differe des autres ; Comme quand pour repreſenter la Vaillance & la grandeur de courage, ont peint le Lyon, qui en eſt pourueu plus que tous les autres Animaux. Or bien que cette maniere d’expreſſion ſoit la moins loüable, elle eſt toutesfois la plus commune, à cauſe que l’inuention n’en eſt pas beaucoup difficile, ny meſme l’explication. Quoy qu’il en ſoit, ces deux ſortes de rapports, ou de reſſemblances, ſont comme les nerfs de la Figure qu’on veut former, ſans leſquels elle eſt entierement deſpourueuë & de vigueur, & de force.

A tout cecy neantmoins, bien que grandement conſiderable, ſemblent auoir peu d’eſgard quelques modernes, qui prennent effects appelez Contingents, pour des Qualitez eſſentielles, comme quand ils repreſentent le Deſeſpoir par vn homme qui ſe pend, & l’Amitié par deux perſonnes qui s’embraſſent ; inuention groſſiere, & trop commune, pour meriter quelque loüange. Ie ne deſauoüe pas pourtant, qu’en matiere de ces accidens qui doiuent ſuiure neceſſairement la choſe ſignifiée par l’Image, il n’y ait beaucoup d’eſprit à les renger en leur place, & particulierement ceux qui appartiennent à la Phyſionomie, & à l’habitude du corps ; D’où l’on peut tirer des con-