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Cette premiere ſorte d’Images a eſté familiere aux Anciens, comme il ſe remarque par les diuerſes peintures qu’ils ont feintes en faueur de leurs Dieux ; qui ne ſont à proprement parler que des voiles ou des veſtements propres à couurir cette partie de la Philoſophie, qui regarde ou la generation des choſes naturelles, ou leur corruption, ou la diſpoſition des Cieux, ou l’influence des Aſtres, ou la ſolidité de la terre. L’on en peut dire de meſme des autres Figures, qu’ils ont inuentées, & couuertes d’eſpais nuages, afin que les Ignorans & les Doctes les peuſſent comprendre d’vne differente maniere, & qu’ils ne penetraſſent eſgalement dans les ſecrets de la Nature. De cette ſource, que l’on ne ſçauroit iamais tarir, ont eſté puiſées toutes les Fables des Anciens, & toutes les explications que les plus grands hommes de leur ſiecle nous en ont données. Par l’Image de Saturne ſe doit entendre le Temps, qui deuore ſes propres enfans, c’eſt à dire les iours, les mois, & les années : Par celle de Iupiter foudroyant, la plus pure partie du Ciel, où ſe produiſent preſque tous les effets des Metheores : Par celle de Venus, l’vnion de la premiere Matiere auecque la Forme, d’où luy vient la perfection ; Et par celle du Berger Argus tout couuert d’yeux, l’Empire des Aſtres ſur ce bas monde, qu’ils croyoient eſtre vn corps mobile, ſujet à leurs influences.

La ſeconde ſorte d’Images, comprend les choſes qui ſont en l’homme meſme, & inſeparables d’auecque luy ; comme les conceptions, ou les penſées, & les habitudes leurs creatures, pour eſtre engendrées de pluſieurs actions particulieres : Où il eſt à remarquer, que par les penſées eſt entendu tout ce qui peut eſtre ſignifié par les paroles. Pour faire mieux comprendre cecy, on le diuiſe en deux parties, qui ſont, l’Affirmatiue & l’Indifferente, dont l’vne eſt propre aux Deuiſes & aux Emblemes, & l’autre à inuenter diuerſes Images de la nature des noſtres. Elles ſont du ſujet de ce diſcours, pour la conformité merueilleuſe qu’elles ont auecque les Definitions, qui comprennent generallement tout ce qu’on appelle Vice ou Vertu, ſans rien affirmer ou nier. Et dautant que ces choſes ſont neceſſairement ou Priuations, ou Habitudes, elles ne peuuent pour cét effet eſtre mieux exprimées que ſous l’humaine Figure. Car eſtant veritable, ſelon Ariſtote, que l’homme eſt la meſure de toutes choſes, comme la Definition l’eſt du Definy, il n’eſt pas incompatible que ſa forme exterieure ne ſoit auſſy la