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Theologie. CLX.


C’Est vne Femme à deux viſages diſſemblables, dont l’vn qui eſt le plus ieune contemple le Ciel, & l’autre le plus vieil regarde la terre.

Elle eſt aſſiſe ſur vn grand Globe d’azur ſemé d’Eſtoilles, & tient la main droite appuyée ſur ſon beau ſein ; mais en meſme temps elle porte en bas la gauche, dont elle empoigne le bord de ſon habillement. Là tout auprés ſe void vne Roüe, qui dans les ſainctes Lettres eſt le vray ſymbole de la Theologie ; Car comme elle ne touche iamais la terre que par la plus baſſe partie de ſa circonference, quand elle vient à s’eſmouuoir ; Le Theologien de meſme ne ſe doit ſeruir du ſens en ſa profeſſion, qu’autant qu’il en peut eſtre aydé pour paſſer outre, & non pas pour s’y plonger trop auant.

Les deux viſages dont elle regarde le Ciel & la terre, monſtrent, Ad Voluſ. comme dit ſainct Auguſtin, Que toute la Theologie aſpire à contempler Dieu ſans ceſſe, & à l’aimer auecque perſeuerance. De plus, comme l’vn de ſes Viſages ne peut ſe hauſſer, qu’en meſme temps l’autre ne s’abaiſſe ; Ainſi le Theologien ne doit iamais s’eſleuer ſi haut par la force de ſon eſprit, qu’il ne ſe ſouuienne qu’eſtant homme, il eſt par conſequent ſujet à faillir.

L’on peint ieune celuy de ces deux Viſages qui regarde le Ciel, pour monſtrer, Que les objets d’en-haut ſont agreables & curieux, comme les choſes terreſtres & baſſes ſont ennuyeuſes & deſplaiſantes.

Elle eſt aſſiſe ſur vn Ciel eſtoillé, pource que la Theologie ſe propoſe pour but la connoiſſance de Dieu, autant que la foibleſſe humaine luy permet de la comprendre. La main qu’elle porte vers la terre, & dont elle tient le bord de ſa Robe, ſignifie qu’vne partie de cette diuine Science de deſdaigne pas de s’eſtendre aux choſes baſſes, mais neceſſaires ; Et telles ſont par exemple celles par qui nous pouuons regler nos actions, ſuiure les Vertus, fuir les vices, & produire d’autres effets ſalutaires, où ne penetrent que les eſprits qu’il plaiſt à Dieu d’eſclairer, & de fortifier de ſes graces.