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Sagesse hvmaine. CL.


C’En eſt vne figure bien expreſſe que celle de ce ieune garçon, qui a quatre mains & quatre oreilles, vn Carquois à ſon coſté, & en ſa main droite vne Fluſte, inſtrument conſacré au Dieu Apollon.

Ce Tableau eſt de l’inuention des Lacedemoniens, qui en ont fait le deſſein, pour nous apprendre, Que pour auoir de la Science & de la Sageſſe la contemplation ne ſuffit pas, mais qu’il y faut ioindre neceſſairement l’vſage & la practique des affaires du monde, ſignifiée par les mains ; & pareillement eſcouter volontiers le conſeil d’autruy, ce qui eſt denoté par les oreilles : Et d’autant que cela ſe doit faire auec vne moderation qui ſoit telle, que l’homme ne ſe laiſſe point chatoüiller, ny par le ſon de ſes propres loüanges, ny prendre au deſpourueu quand il eſt queſtion de ſe deſtendre ; C’eſt pour cela qu’on luy fait tenir vne Fluſte ſans en jouër, & des Fléches en vn Carquois, dont il ſe reſerue l’vſage au beſoin.

Que s’il faut parler maintenant de la vraye Sageſſe, ie dis qu’elle n’eſt pas du nombre de ces habitudes vertueuſes, qui s’acquierent par l’vſage & par l’experience, mais bien vn don particulier du S. Eſprit, qui communique ſes graces & ſes favueurs à qui luy plaiſt. Les Anciens meſmes ſemblent auoir reconnu cette verité : Car bien qu’ils ne fuſſent point eſclairez de la lumiere de noſtre Foy, ils parloient neantmoins de la Sapience ſurnaturelle auecque beaucoup de Religion & de reuerence : Ils diſoient à ce propos, Qu’elle eſtoit vn don du Ciel, & qu’à moins que d’eſtre parfait & irreprochable en ſes actiõs, pas vn des mortels ne pouuoit eſtre honoré du glorieux tiltre de Sage. En effet dans toute l’ancienne Grece, mere des Sciences & des Vertus, ne ſe trouuerent iamais que ſept perſonnes qui meritaſſent ce nom ; Ce qui me fait croire, Qu’il faut neceſſairement que cette Vertu ait de merueilleux aduantages ſur toutes les autres. Auſſi a-t’elle eſté, comme dit Salomon, auant que les Cieux & la terre fuſſent, & s’eſt conſeruée de toute eternité dans le ſein du Pere eternel ; d’où ſelon ſes iuſtes iugemens elle s’eſpand dans les ames des Fidelles. Celuy-là trouue donc le ſalut, qui s’acquiert la vraye Sapience à force de la chercher, & qui la ſçait diſcerner d’auec la fauſſe ſageſſe des hommes du monde.