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Sa Iupe pleine d’yeux & d’oreilles nous repreſente la Ialouſie, qui pour mieux acheminer ſes deſſeins, & retarder ceux des autres, veut tout voir, & tout oüir.

La Baguette qu’elle tient eſt vne marque de la domination des Souuerains ſur leurs ſujets ; Bien que toutefois les moindres perſonnes ne laiſſent pas, mais improprement, d’auoir certaines Raiſons d’Eſtat, pour la direction & la cõduite de leurs affaires.

Elle s’appuye ſur vn Lion, pource que par leurs maximes, les grands du monde cherchent à s’aſſujetir les plus puiffans, à l’imitation de cét imperieux animal, qui met tous les autres au deſſous de luy : Par où il est encore monſtré, Que pour la conſeruation d’vn Eſtat la Vigilance doit dire iointe à la Force.


Rebellion. CXLI.


A Voir la mine de ce ieune homme, qui regarde derriere luy auec vne poſture qui n’eft pas moins altiere qu’extrauagante, on iuge auſſi-toſt que c’eſt vn Rebelle.

Il eſt armé d’vn Corcelet & d’vn Iauelot qu’il tient à deux mains : Ioint que pour Cimier il porte la figure d’vn Chat, & qu’il foulle aux pieds vn Ioug rompu.

On le repreſente ieune, pource qu’en cét aage-là, celuy qui ſe porte à la Rebellion ſouffre difficilement l’Empire d’autruy ; De maniere que le ſang qui boût dans ſes vaines luy fait tout entreprendre ſans rien craindre, comme le remarque Ariſtote.

Il ne va iamais ſans eſtre armé, à cauſe que les continuelles apprehenſions qu’il a de quelque ſurpriſe, veulent qu’il ſoit touſiours en eſtat, ou d’attaquer, ou de ſe deffendre.

Vn Chat luy ſert de Cimier, pource que cét animal abhorre naturellement d’eſre ſujet & dans la contrainte. Auſſi liſons-nous que les Sueues, les Analois, & les anciens Bourguignons le ſouloiẽt porter en leurs drapeaux pour vne marque de liberté.

Son action dédaigneuſe, & ſes yeux qu’il tourne derriere luy, monſtrent le peu de reſpect que les Rebelles ont accouſtumé de porter à leurs Seigneurs ; & que depuis qu’ils en viennent là, ils ne ſont iamais en ſeureté, de quelques armes dõt ils ſe couurent.

Par le Ioug qu’il foule aux pieds ſe doit entendre la puiſſance des Loix ; & c’eſt en ce mefme fens que le prend Virgile, lors que parlant du deſtin d’Enée, il dit,