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haut du raiſonnement humain, & l’autre en eſt comme le fondement.

Pour demonſtrer ce que nous venons de dire, la Practique eſt icy repreſentée vieille, la teſte panchée, vn Compas en vne main, vn Plomb en l’autre, & ſeruilement veſtuë.

L’aage que nous luy attribuons luy eſt entierement conuenable. Car comme la Ieuneſſe eſt ordinairement accompagnée d’Eſperance, d’Amour, de vigueur, & de grandeur de courage ; Nous pouuons dire tout au contraire, Que la Vieilleſſe eſt touſiours ſuiuie de peſanteur, de nonchalance, de foibleſſe, d’apprehenſion, & de pluſieurs autres maux. A de pareils accidens eſt ſujette la Practique, pource qu’elle s’accomode à l’vſage, qui pour eſtre vieil ſe trompe facilement, eſt peu clairvoyant, touſiours en doute, & mortel ennemy de ceux qui choquent ſes ſentimens.

Elle a le viſage panché en bas, d’autant qu’elle ne regarde que cette partie de l’Vniuers que l’on foule aux pieds ; comme il eſt fort bien denoté par ſa robe ſeruile ; au lieu que la Theorie, comme plus noble qu’elle eſt, ne s’arreſte point à l’vſage, mais à la ſeule connoiſſance des choſes ſur qui principalement elle ſe repoſe ; Et le meſme nous eſt ſignifié par les deux inſtrumens qu’elle tient, qui ſont le Compas, & le Plomb.

Le Compas, comme nous auons dit ailleurs, eſt le ſymbole de la Raiſon, qui eſt neceſſaire à la conduitte de toutes les actions humaines. La Theorie en tient la pointe en haut, & la Practique la tient en bas ; pource que par les vniuerſels l’vne conclud les particuliers, concluſion vraye & demonſtratiue ; au lieu que l’autre tout au contraire par les particuliers conclud les vniuerſels ; concluſion qui la pluſpart du temps eſt fauſſe & trompeuſe, en la ſeconde & troiſieſme figure, ſoit dans la negatiue, ou dans l’affirmatiue.

Quant au Plomb, qui eſt touché par l’vne des pointes du Compas ouuert, cela veut dire, Que cõme la Theorie ſe regle par les choſes du Ciel, qui ſont incorruptibles & immortelles ; Ainſi le fondemẽt de la Practique eſt ſur des matieres terreſtres, qui dans leur eſtat periſſable, & ſujet à changement, ont beſoin que l’homme les fortifie, & les appuye de quelque forme, qui ſoit vniuersellement receuë & practiquée comme vne regle infaillible. Ce que Protagoras nous veut poſſible faire connoiſtre, quand il appelle l’homme, la meſure de toutes les choſes d’icy bas.