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pagne de la Charité, à qui cette couleur eſt grandement propre, pour des raiſons qui ſont communes dans les eſcrits des Philoſophes moraux.

On luy donne des Aiſles, pour monſtrer la merueilleuſe viteſſe de cette vertu par deſſus toutes les autres, en ce qu’elle ne ceſſe de voler de Dieu à la Patrie, de la Patrie aux parens, & des parens à nous-meſmes.

Par les flammes qu’elle a ſur la teſte, il eſt declaré, Que l’eſprit s’embraze de l’amour de Dieu, plus il s’exerce à la Pieté, qui aſpire naturellement aux choſes celeſtes.

Par la main gauche qu’elle a ſur le cœur, Que l’homme doüé de cette vertu donne des preuues de ſa Charité par des œuures genereuſes, & qui ſont faites auecque ſincerité, ſans oſtentation, ny ſans deſir de vaine gloire. Quelques-vns diſent à ce propos, que pour oſter toute ſorte d’ombrages à la Pieté d’Enée, Virgile & les autres Poëtes aſſeurent, Que les plus grandes actions de Pieté furent par luy faites durant la nuict.

Par la Corne d’abondance, Que toutes les fois qu’il eſt queſtion de faire des œuures de Pieté, il ne faut point tenir conte des richeſſes mondaines, mais en aſſiſter liberalement ceux que l’on ſçait en auoir beſoin.

Quelques autres nous figurent la Pieté par vne Femme qui tient vne Cigongne de la main droite, & de la gauche vne Eſpée, dont elle s’appuye ſur vn Autel, ayant vn Elephant d’vn coſté, & vn Enfant de l’autre.

Par la Cygongne eſt demonſtrée la Pieté que l’homme doit rendre à ſes pere & mere : Et par l’Enfant celle qui ſe doit à Dieu, à la Patrie, & à ceux qui nous ont mis au monde ; Dequoy la Cygongne eſt pareillement vn vray ſymbole, pour les raiſons que nous auons dites ailleurs.

Or d’autant que l’hõme qui poſſede cõme il faut cette vertu, ſe doit expoſer à tous perils pour l’amour de la Religion ; c’eſt à raisõ de cela qu’on luy fait tenir ſur vn Autel vne eſpée en main.

Pour ce qui regarde l’Elephant, l’exemple en eſt tiré de Plutarque, qui dit, Que dans la ville de Rome, quelques enfans ayant par maniere de jeu picqué la trompe de cét animal, il en priſt vn entre les autres qu’il voulut lancer en l’air. Mais comme il vid que ſes compagnons, qui le tenoient deſia pour mort, ſe mirent à crier, il le poſa doucement à terre, ſans luy faire aucun mal, & ſe contenta de la peur qu’il leur auoit faite pour punition de leur audace.