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gue, eſtant comme elle eſt le principal inſtrument de la Perſuaſion. A raiſon dequoy les Egyptiens la ſouloient peindre, pour monſtrer ce que peut la parole par la ſeule aide de la Nature.

Et d’autant que l’Exercice & l’Art agiſſent auſſi beaucoup à la Perſuaſion, ils donnoient à entendre cela par vn œil, qu’ils faiſoient vn peu ſanguin : Car cõme le ſang eſt le ſiege de l’ame, ainſi que l’on creu quelques anciens Philoſophes ; La parole de meſme l’eſt de ſes actiõs, quand elle ſçait l’art de bien exprimer vne penſée : Et comme l’œil ſe peut dire la feneſtre par où l’ame void ; la parole en eſt vne auſſi, par où elle eſt veuë des autres.

Les cordages d’or qui luy ceignẽt le corps, mõſtrent que par la force de l’Eloquẽce l’hõme peut lier en quelque ſorte les volontez d’autruy, & les tenir en arreſt par le moyen de la Perſuaſion.

L’Animal à trois teſtes ſignifie, que trois choſes ſont neceſſaires à celuy qui veut perſuader quelqu’vn. La premiere, de s’inſinuer en la bien-veillance de ſon Auditeur ; ce qui eſt denoté par le Chien, qui flatte & careſſe pour ſes intereſts. La ſeconde, de le rendre docile, en luy faiſant nettement comprendre ce qu’il luy veut perſuader : dequoy ſert d’exemple le Singe, pource qu’il ſemble eſtre celuy de tous les animaux qui comprend le mieux les penſées des hommes : Et la troiſieſme, de le redure à eſtre attentif, à l’imitation du Chat, qui l’eſt grandement en tout ce qu’il fait. Or ce qu’elle tient ferme auecque les deux mains la corde à laquelle cét animal eſt attaché, eſt pour monſtrer, Que ſi l’Orateur ne ſçait agir auecque les conditions que ie viens dire, ou il ne gagne rien du tout ſur l’eſprit de ſon Auditeur, ou du moins il n’auance pas beaucoup.


Pieté. CXXVI.


NOvs la repreſentons icy apres les anciẽnes Medailles par vne Femme extremement belle, qui a le teint fort blanc, les yeux à fleur de teſte, le nez aquilin, des flammes en lieu de cheueux, des aiſles au dos, la main gauche du coſté du cœur, & en la droite vne Corne d’abondance, d’où tombent diuerſes choſes qui ſont vtiles à la vie humaine. L’on peint ſon viſage tel que nous venons de le deſcrire, pource qu’en effet il eſt ainſi dépeint par ceux qui s’entendent à la Physionomie.

Elle eſt veſtuë de rouge, comme ſœur qu’elle eſt, & comp-