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On le peint noir & tout nud, d’autant que ce monſtre difforme, nous deſpoüillant de la grace, & du bien le plus ſolide du monde, nous met au hazard d’eſtre precipitez dans les abyſmes de la mort eternelle, ſi nous n’auons promptement recours à la Contrition, & à la Penitence.

Il eſt enuironné de Serpens, à cauſe que ce Tyran a de couſtume d’aſſujetir le pecheur ſous la ſeruitude du diable, noſtre commun ennemy, qui cherche ſans ceſſe à nous ſeduire par de fauſſes apparences, ſe promettant touſiours le meſme ſucces qu’il eut auecque noſtre premiere mere.

Quant au ver qui luy ronge le cœur, c’eſt celuy de la conſcience, où ſelon les Theologiens, la conſcience meſme qui le bourrelle continuellement, & qui par des ſyndereſes ſecrettes luy fait ſentir les foüets & les flambeaux que les Poëtes ingenieux ont mis entre les mains des Furies, pour le commun chaſtiment de tous les meſchans, qui font gloire de leurs crimes.

Or comme la Punition fuit ordinairement le Peché, ie ne penſe pas qu’il ſoit hors de propos d’en faire icy le Tableau, tel que nous l’auons de quelques Anciens. Ils la repreſentent donc par vne Femme extremement laide, toute deſchirée, melancolique au poſſible, qui fait d’eſtranges grimaſſes à force de crier, qui tient vn foüet d’vne main, & qui ſe ſouſtenant ſur vne jambe de bois, ſemble deſcendre dans vne grande cauerne.

Entre la Penitence & la Peine il y a cette difference particuliere, que la Penitence s’engendre par le conſentement de l’homme qui ſe repent des fautes paſſées ; au lieu que par le iugement de Dieu ou des hommes, la Peine eſt impoſée aux pecheurs, ſans que toutesfois ils ſoient touchez à leur grand mal-heur, ny du deſir de ſe repentir, ny de celuy de ſatisfaire à leurs offences par des œuures meritoires.

Pour faire voir donc les circonſtances & les effets de la Peine, on la peint difforme, & en eſtat de crier, comme ſi elle ſe vouloit porter à la reſiſtance, ou ſe venger ſi elle pouuoit, de ceux qui l’ont condamnée.

On luy donne au reſte vn foüet à la main, & vne jambe de bois, pour monſtrer qu’elle n’agit point de ſa propre volonté, mais par la force qui luy eſt faite ; & que par vn ſecret iugement de Dieu les hommes ſont bien ſouuent conduits au precipice, pour vn iuſte chaſtiment des fautes qu’ils ont commiſes.