Pavvreté. CXIX.
Ette ſorte de Pauureté dont il eſt icy queſtion,
s’entend de celle qui empeſche les grands eſprits de
paruenir. Elle eſt figurée par vne Femme mal-veſtuë,
qui a la main droite attachée à vne pierre peſante,
& en la gauche des aiſlerons ouuerts, comme pour l’attirer
en haut.
L’on appelle Pauureté le manquement des choſes qui ſont neceſſaires à l’homme pour l’entretenement de ſa vie, & meſme pour l’acquiſition des vertus.
Les aiſles de la main gauche, ſignifient l’extreme deſir qu’ont ordinairement les meilleurs eſprits de s’eſleuer aux plus hautes connoiſſances ; Ce qui ne leur ſeroit pas difficile, ſi la Pauureté, qui leur eſt vn fardeau plus inſuportable que la pierre de Syſiphe, ne les abaiſſoit à meſure qu’ils penſent prendre leur vol : Ce qui eſt cauſe que par vne certaine neceſſité, qui ſemble fatale à la pluſpart des honneſtes gens, ils croupiſſent dans la boüe, & deuiennent le joüet des ames vulgaires :
M. Reinier.
Car ſans le reuenu l’eſtude les abuſe,
Et l’eſprit ne ſe paiſt des chanſons de la Muſe.
Peché. CXX.
Omme il n’eſt rien de ſi effroyable, que ce pernicieux
ennemy de l’ame, ce n’eſt pas ſans raiſon qu’il eſt icy
peint ſous la forme d’vn ieune Homme, horrible à
voir : Car auec ce qu’il eſt aueugle & tout nud, il a
ſur la teſte des Couleuures en lieu de cheueux, en ſon coſté
gauche vn gros ver qui luy ronge le cœur, & au milieu du
corps deux Serpens qui le tiennent eſtroittement ſerré : Outre
qu’à voir ſa poſture, il ſemble marcher ſur des rochers rabouteux,
& panchans en precipice.
On repreſente le Peché ieune, & aueugle, à cauſe qu’il eſt commis auec imprudence & les yeux fermez, comme n’eſtant autre choſe de ſoy-meſme qu’vne tranſgreſſion des Loix, par qui l’homme mal auiſé s’eſgare du grand chemin de la Vertu.