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Ovbly d’amovr. CXIII.


ON le repreſente par vn Enfant couronné de Pauots ; qui a des aiſles, & qui prés d’vne fontaine, au bord de laquelle ſont eſcrits ces mots, Fons Cyzici, dort nud ſur la terre, où il vient de rompre ſon arc & ſes fléches.

Les aiſles que nous donnons à cét Enfant ſont des ſymboles d’Oubly ; qui font voir qu’Amour n’eſt pas touſiours ſi bien imprimé dans le ſouuenir de ceux qui aiment, qu’il ne s’enfuye & ne s’en volle quand on le faſche. A quoy toutefois s’oppoſent quelques Autheurs, qui ſouſtiennent ; Que ce n’eſt pas luy qui s’enfuit, mais pluſtoſt l’Amant volage. Comme en effet, pour ſuiure les diuers mouuemens de ſon ame, il s’abandonne à l’inconſtance, & ne peut tenir en arreſt ſes penſées.

Nous peignons icy l’Amour endormy, pource que les Amans n’ont pas pluſtoſt oublié le ſujet aimé, que les fonctions de leur ame ſemblent entierement aſſoupies ; De maniere qu’autant qu’ils ont eſté ardens apres la pourſuitte de la beauté deſirée, autant deuiennent-ils laſches, quand ils deſeſperent de la conqueſte qu’ils s’imaginent de pouuoir faire.

Le Pauot dont cét Efnant eſt couronné, ſignifie le Sommeil & l’Oubly ; Car cette plante produit d’ordinaire ces deux effets en la perſonne de ceux qui en vſent par excez. Or eſt-il qu’il n’y a celuy qui ne ſçache bien que le Sommeil & l’Oubliance ont vne conformité ſi grande, qu’ils ſont comme inſeparables. Le Poëte Euripide nous apprend cette verité, lors qu’il feint qu’Oreſte leur attribuë la cauſe du relaſche que ſa fureur luy a donné, & qu’il en remercie l’vn & l’autre quand il s’eſcrie,

__Seule cauſe de mon repos
Sommeil, à qui ie porte enuie ;
O que tu me viens à propos,
Pour adoucir les ennuis de ma vie !
__Et toy doux oubly des malheurs,
Deité ſage & venerable,
O que tu fais tarir de pleurs,
Et qu’aux mortels ta main eſt ſecourable !