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ſur terre venoit à s’eſteindre. Archimede, à ce que l’on dit, en fut inuenteur, & s’en ſeruit heureuſement contre les Romains au ſiege de Syracuſe, ville de ſa naiſſance : En quoy l’imita depuis auecque pareil ſuccez, le Mathematicien Proculus, qui ſelon Zonare, par le moyen de ces glaces enflammées, bruſla l’armée nauale de Vatilianus, qui s’eſtoit reuolté contre l’Empereur Anaſtaſe.

L’on peut donc bien dire, pour expliquer cette Figure, que comme des rayons du Miroir, qui ſont les creatures de l’Art, oppoſez à ceux du Soleil, s’allume vn flambeau ; Ainſi par la rencontre de nos yeux, vrays miroirs de la Nature, auec ceux d’vne Beauté, ou d’vn Aſtre animé qui leur darde ſa lumiere, la flamme d’Amour s’allume en nos cœurs. Que ſi nous voulons ſçauoir au vray, comment cela ſe peut faire, nous n’auons Orat. 4. cap. 7. qu’à lire Ficin, qui nous l’apprendra. Les eſprits, dit-il, qui par la chaleur du cœur, s’engendrent du plus pur ſang, ſont touſiours tels en nous que l’humeur qui s’en exhale. Or comme cette vapeur de ſang, qu’on appelle eſprit, qui en eſt formé, eſt telle que le ſang meſme ; auſſi enuoye-t’elle au dehors des rayons qui luy reſſemblent, & qui paſſent par les Lib. 8. cap. 23. yeux, comme par des feneſtres de verre. Cælius Rhodiginus nous aſſeure le meſme, quand il dit, Qu’à l’imitation du Soleil, qui eſt le cœur du monde, où il fait ſon tour, & luy communique ſa lumiere, noſtre cœur par vn perpetuel mouuement agitant le ſang qui eſt prés de luy, eſpand par ſon moyen les eſprits dans tous les corps. C’eſt par ces meſmes eſprits encore qu’il darde des eſtincelles & des rayons ſur tous les membres, principalement par les yeux ; Car l’eſprit eſtant leger de ſoy, ce luy eſt vne choſe facile de s’eſleuer aux parties du corps les plus hautes, ioint que ſa lumiere eſclatte bien plus abondamment par les yeux : La raiſon eſt, pource qu’ils ont l’auantage d’eſtre tranſparens, vaporeux, reſplendiſſans, & pleins d’eſtincelles. Cela eſtant, il ne faut pas s’eſtonner, ſi les yeux de deux perſonnes qui ſe regadent fixement, s’entrebleſſent par les rayons qu’ils ſe décochent. Ainſi par des effets merueilleux, ces traits aigus & remplis de flammes percent & bruſlent en meſme temps les cœurs des miſerables Amants. Cette doctrine eſt tirée de Platon, qui veut que les bleſſures d’Amour ſoient certains rayons extremement ſubtils, dardez au cœur, qui eſt le ſiege d’vn ſang tres-doux & tres-chaud,